Archives pour la catégorie Arts de scène

Hommage @ PARIS PANAME 2015…

CECI EST UN HOMMAGE à PANAME, la ville de la Commune, CECI EST UN HOMMAGE à PARIS, une vision anarchique, photographique, culturelle et musicale….

Chacun sait et connait les tragédies que notre capitale de France a connu depuis janvier jusqu’au vendredi 13 novembre dernier… Jamais Paname n’avait connu telle humiliation et gravité dans un laps de temps si restreint depuis 1940.

[PETITE revue de presse et photo de la devise parisienne remobilisée dans la rue et les médias…]

RMI’z se voulait de rendre hommage à la capitale de la diversité, de la jeunesse, de la lumière… par une série par centaines de photographies urbaines de Paris et ses banlieues, (ses faubourgs comme on dit !) de 2004 à 2015… par Màxim Pozor…

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Cet hommage est bel et bien photographique, comme le périple ou l’assaut d’un provincial à Paris, comme des millions de français ou parisiens…
Des épisodes, des visions, un hommage anarchique et graphique, un hommage à l’Histoire de la ville, à sa jeunesse qui fronde et sort de bon cœur…

L’hommage est culturel, patrimonial, humain, urbain ; enchevêtrements d’âmes-sons, chatouillements d’yeux et panorama parisien à go-go !

 


 

Retour en 2004, Versailles (exposition des relations Chine-France au XVIIIè), 13è & Batofar, mais aussi Montparnasse….

On poursuit en 2007, en juin, c’est assez aléatoire comme hommage, vision urbaine, du 7ème arrondissement cossu à la banlieue d’Arcueil en Val de Marne (94)… en passant par le cimetière de Passy face à la Tour Eiffel…, librairie, arts de rue….


 

 Toujours le Val de Marne, avec Marne la Vallée, Eurodisney, Hard Rock Café… et le futebol


 

PARIS intra-muros, essentiellement 10è & 20è arrondissements, toujours juin 2007…


 

PARIS intra-muros 17è & 18è, Montmartre et son cimetière, mais aussi Choisy-Le-Roi (94) & Chelles en Seine et Marne, toujours juin 2007…


 

Décembre 2007, aléatoire, flâneries de rues, esprit Bobo, créa en tout genre, du Marais à Montparnasse, quelques galeries, Paris tenu…


 

Petit Mix sonore musical 98 minutes par Màxim POzor
LONDON PARIS mai 2007…

 

Petit Mix sonore musical 47 minutes par Màxim POzor
LONDON PARIS mai 2007…

 

Petit Mix sonore musical 28 minutes par Màxim POzor
LONDON PARIS mai 2007…

 


  JAVA…Métro :

 TRIPTIK…PANAME :

 

 


MONTREUIL, septembre 2009, rues bien nommées, brocantes du centre et de quartier, et un antiquaire… Montreuil coloré… et locaux de Siné.


PARIS 17è & 18è & Plaine St-Denis… mai 2010, autour du pôle « mode et médias », anciens entrepôts de vêtements, studios musiques et télévisions, écoles audiovisuelles…  & la rue…


 

En vrac, octobre 2010, Babylon Joke au Batofar, quais de Seine, 13è et intra-muros…, Ourcq, 20è, métro…


 Dans notre fouillis de Paris, la ville crasse et lumineuse, des paradoxes en pluie, voici octobre-novembre 2010… il y a de tout, des sorties au Nouveau Casino (dont une soirée avec Kaly Live Dub, du métro, de l’intra-muros, du Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), du tram, Porte de Saint-Cloud un petit hommage au photographe tchèque Saudek, la salle Le Zèbre à Belleville, ou le Piano Vache, les groupes Yules, B-Roy et sa bande, Rodolphe Raffali la peintre Alex T….

Toujours du vrac et en ordre aléatoire pour cette galerie, février-mars 2011, Boulogne-Billancourt (92), Paris Intra-métro, La Villa Mais d’Ici (Aubervilliers)…. et l’Essonne (Palaiseau), toujours le pôle magnétique sur Seine que constitue le Batofar (13è)…ou encore le stade de Charléty pour quelque partie de rugby (Stade Français – USAP)… Paris, agglomération tant de sorties musicales que sportives..!


Avril-Mai 2012, entre deux tours de présidentielles, deuxième ou premier dimanche… quartier Bastille, La Scène Bastille, Tom Moretti & Zaki Groove… avant un départ humanitaire pour l’Afrique...


Juin – Juillet 2013

L’année de la braise..!

De La Main d’Or (Passage dans le 11è), du tableau d’un squat en très proche banlieue parisienne, de l’aéroport de Roissy, de l’ouverture de La Défense Jazz Festival 2013 (29 juin Ibrahim Maalouf + Salif Keita [qui fit trembler les immeubles des grandes entreprises dont les pétroliers basés sur le parvis et la dalle du coin !]…), du centre commercial La Défense « 4 temps », d’une ballade sur les quais d’Ourcq, et d’une journée associative à Montreuil 30/06/13 (Les fameux « murs à pêches »…!)

 


 Décembre 2013

Vinyles’design, Place de la République & Main d’Or style…


 

Avril 2014

Belle lumière & sale ambiance !
Jeux de guerre, spectacles, fêtes étudiante russophone, Olivier Sauton, Norig Aux Petits Joueurs, Chelles en Seine-Et-Marne, Exposition Kurt Cobain (20 ans après sa mort) dans un Paris huppé, le boulodrome du XVè…

 


Juin 2014

Autour du solstice d’été 2014… du 21 juin, VIIè arrondissement, l’Ukraine, l’Algérie, le Mexique à Paname, la coupe du monde de football 2014, l’Opéra Garnier, Abbesses, Olivier Sauton, Place Vendôme ou encore le salon Emmaüs « too much » Porte de Versailles…


 

 Novembre 2014

D’abord deux vues de l’Opéra Garnier (vers la Place Vendôme), puis quelques vues du 13ème arrondissement, à l’occasion de l’exposition du comtois Rubbish à la galerie Mathgoth, aux abords de la BNF, l’occasion de redécouvrir un quartier rénové, (dont les anciens abattoirs) si proche du Batofar sur-fréquenté par le photographe, ainsi que de Bastille et  des spectacles parisiens…


 

à suivre…

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Abraxxxas, l’interview.

Découvert depuis peu par l’entremise d’un ami, mentor en matière de hiphop, je vais ici, laisser la parole à Abraxxxas, MC de talent et auteur de quelques écrits aussi divers que variés. Dépeignant cette société en perdition dans laquelle nous essayons tous de maintenir la tête hors de l’eau, ces textes sont lucides et incisifs, tout ça sans jamais donner de leçon, simplement en rappelant quelques valeurs essentielles et ça à RMIz, on aime…

Ecoutez plutôt :

RETROUVEZ EN EXCLU SUR BANDCAMP LA SELECTION DES TITRES d’ABRAXXXAS :
Ici en lien GOODBYE

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Bonjour Abraxxxas, et merci de répondre aux questions de RMIz.

 Auteur, interprète, écrivain, on a tout de suite envie de dire multicarte, mais toi, comment te définirais-tu ?

Se définir, voilà un exercice délicat où si tu te manques tu passes soit pour un prétentieux, soit pour un autiste. On va la faire simple, je suis juste un type qui accorde beaucoup d’importance à la création, qui aime les mots, la musique, la photo, le cinéma, en gros la culture. Si je ne crée pas, je ne me sens pas vivant, et parfois, ça pose problème.

 Qu’est-ce qui a fait qu’un jour, tu as décidé de t’exprimer ?

Dur à dire. La vie tout simplement. J’ai grandi dans un environnement hyper-urbain, dans deux tours de banlieue parisienne, et le fait de se mettre au rap est venu naturellement car c’était la musique qui nous touchait. Au delà du rap, m’exprimer me permet de vider le trop plein, d’éviter de déborder et de partir en vrille. Rien ne me fait plus peur qu’une société où l’on ne peut s’exprimer librement.

Le hip-hop, dernière mouvance revendicative ?

À une époque je t’aurais sans doute dis oui, mais aujourd’hui, je dirais clairement non. Le rap a beaucoup perdu de ce coté revendicatif, de nos jours parmi les rappeurs c’est presque une tare d’être conscient ou militant, tu passes pour un type chiant, un boulet. Bien sûr il y a des exceptions, mais la règle c’est l’égotrip, la technique lyricale, le swag à la con…Le rap est devenu un courant musical comme un autre, comme le rock, il a perdu un peu de son âme revendicative en se démocratisant. Après, je tiens à préciser que je ne me considère aucunement comme un rappeur engagé, ma musique est tout sauf militante, elle se contente d’être réaliste.

Fort d’un succès via les réseaux sociaux, qu’est-ce qu’il te manquerait pour être plus visible, si toutefois cela était ton souhait ?

Faut relativiser un brin, j’ai pas du tout de succès via les réseaux sociaux. J’y suis une goutte d’eau, vraiment. J’ai des gens qui me suivent oui, qui me soutiennent, mais en comparaison à beaucoup de confrères, je suis petit. Sinon pour la visibilité, de nos jours elle est hélas intimement liée au budget que tu es prêt à mettre dedans, avoir un agent, une équipe qui bosse pour te placer….

En quelques mots, présente-nous Monsieur Mort.

Mr Mort, c’est en même temps un personnage de fiction que j’ai crée et en même temps une partie de moi. Hormis les meurtres, beaucoup de choses sont autobiographiques dans ces épisodes. Notamment les pensées de Mr Mort, même si elles sont un tantinet romancées, et bien, ce sont mes pensées à moi : Gabriel Saule. En fait quand je commence l’écriture d’un épisode de Mr Mort, c’est que je me fais une montée de haine, de nerfs. À chaque fois que j’ai commencé à écrire un épisode, c’est que mon sac était trop plein et qu’il fallait que je le vide. C’est réellement un processus exutoire et salutaire.arbre

UN AUTRE LIEN sur LE BLOG de nos AMIS d’UNFAMOUS

Où prends-tu le plus de plaisir, en composant des morceaux de hip-hop, ou en écrivant des trucs plus consistants comme  » Guignol ou la Vie d’Arthur Bracquet  » et « Grue », deux romans que tu as publié ?

Ce ne sont pas du tout les mêmes plaisirs, ni les mêmes motivations. Là encore bien souvent l’écriture de chansons découle d’un besoin impérieux de se vider la tête et les tripes, de poser des pensées. C’est bien souvent compulsif, et vite expédié, car j’écris mes chansons très rapidement, quand l’inspi est là, elle l’est belle et bien. L’écriture d’histoire fictionnelle, c’est un autre délire, qui s’étale sur la longueur, qui se réfléchit encore plus qu’un « lyrics » de rap, et même si ce dernier aborde un thème sérieux. « Lone Creek » le roman que j’écris actuellement demande plus de concentration, de temps et de recherches que le prochain album « Sirènes », dont les chansons ont été écrites en moins de trois mois. Je peux écrire une chanson à peu prés n’importe où, en mode tout terrain, mais l’écriture d’un livre, en ce qui me concerne en tout cas, me demande plus d’isolement, de tranquillité, de disponibilité d’esprit. Toujours est-il que niveau plaisir, les deux sont jouissifs, voir un écrit prendre forme, trouver des tournures élégantes ou percutantes, tout ça est très jouissif.

L’autoédition est un choix ou elle s’est imposée à toi à cause de la frilosité bien connue des éditeurs « classiques  » ?

Je vais être franc, l’autoédition est un choix qui découle de quelques refus. Non, je n’ai pas envoyé mes manuscrits à tous les éditeurs de France et de Navarre, mais je l’ai envoyé aux plus gros d’entre eux, aux poids lourds, mon coté ambitieux sans doute, héhé!! Face à cette petite dizaine de refus, je me voyais mal continuer à me prendre des portes fermées dans la tronche, et de payer avec mes petits deniers de prolo les frais postaux, juste pour me faire jeter en l’air. Et étant aguerri à l’autoproduction avec ma musique, et bien le choix s’est fait naturellement de m’en occuper tout seul, de ne pas attendre qu’un type dans un bureau décide que je vaux le coup d’être imprimé et lu par des gens. C’est quand même un des avantages de notre époque, nous avons tous les outils et services à disposition. Aujourd’hui un artiste, qu’il soit musicien, écrivain, dessinateur de bd, et qui se plaint de ne pas arriver à concrétiser un projet, à mes yeux n’a pas d’excuses. La philosophie du ‘Do It Yourself’ est bien implantée, techniquement elle est facilement applicable à l’ère du ‘crowdfunding’, du logiciel en licence libre ou même cracké, du homestudio et j’en passe… Mais pour revenir à ta question, est-ce un choix, oui et non, dans le sens où je ne refuserais pas un contrat dans une bonne maison d’édition, un partenariat qui me tranquilliserait sur l’avenir, qui me permettrait de me consacrer uniquement à la création, l’écriture, la mise en place de projets, à ne pas perdre de temps à préparer des petits déjeuners dans un hôtel en gros…

As-tu des projets, en solo, ou avec Unfamous Resistenza ?

Oui pas mal de projets, le premier étant la parution de la compilation « Un Pavé dans l’Asphalte 2 » avec le collectif Unfamous Resistenza. Toujours en téléchargement gratos, ça sort le 15 septembre et c’est toujours de la culture éclectique, engagée, subversive, mais pas que, un beau panel de musique, 133 artistes à découvrir. Niveau personnel, j’ai l’album « Sirènes » sur le feu, qui sortira en double vinyle et en CD. Ça reste à fignoler, à enregistrer, mixer, masteriser, mais avant tout à financer. Pour ce faire, je vais lancer d’ici peu une campagne de financement participatif, afin que les auditeurs puissent précommander leurs exemplaires, précos qui vont me permettre de fabriquer les galettes. J’ai aussi le roman « Lone Creek »  à terminer, je pense que ça se fera cet hiver au coin du poêle à bois. J’en ai quelques autres aussi en tête, mais il est encore trop tôt pour en parler.

 Quels thèmes aborderas-tu dans ton prochain album, « Sirènes »?

Pas envie de trop en dévoiler sur cet album, histoire de garder l’effet de surprise. Il sera empreint d’une certaine misanthropie, décrira des modes de pensées qu’il faudrait modifier pour avancer. Ce sera un album très humain, qui parlera des tentations, d’où son nom de « Sirènes », mais qui évoquera aussi la sauvegarde de l’environnement au sens large….un disque personnel qui sera la synthèse de ce que j’ai vécu ces dernières années

Des textes lucides et percutants, parfois désabusé, est-ce qu’Abraxxxas croit encore en l’être humain?

Oui et non. Ça dépend de mon humeur, il y a des jours où l’optimisme m’habite, et d’autres où le pessimisme est de rigueur. Notre espèce est capable du meilleur comme du pire, mais j’ai l’impression qu’elle se concentre tout de même sur le pire. Il est clairement plus facile de faire le mal que le bien dans la vie, plus aisé de se laisser aller, de s’en foutre du futur, de ce qu’on laisse aux prochains, en se disant qu’on ne sera pas là de toute façon. À mon sens l’humain s’est un peu perdu, il s’est entouré de choses matérielles pas forcément indispensables à son bien être à la base, mais qui le sont devenues par habitude. On s’est fait bercer par les sirènes du grand capital, on a fait passer les doctrines économiques devant les priorités écologiques, le bonheur est presque devenu une marchandise en un sens. Les besoins vitaux en 2015 en occident, ce ne sont plus juste la nourriture et le toit au dessus de la tête, le superflu est vital pour certain. À coté de ça j’ai tout de même envie de croire en l’humain, en un changement des mentalités, parce que si j’arrête d’y croire, autant tout arrêter direct.

Une « Sombre débandade », en quelque sorte:

a3950715725_16ENFIN UN LIEN, toujours vers BandCamp, pour le titre SOMBRE DÉBANDADE… Musique & Paroles

Tu as décidé de quitter la ville pour t’installer dans un coin plus vert et tranquille, que t’as apporté ce changement d’environnement?

Oui j’ai quitté la ville il y a de ça trois ans maintenant, et ça m’a fait le plus grand bien. Déjà à mes poumons qui respirent un bien meilleur air, mais aussi à mon esprit, plus zen, moins pressé. J’ai choisi une région, l’Ariège, où il est possible de mettre en place un mode de vie alternative, où la conscience collective penche vers l’ultra gauche, l’autonomie, le local. Se rapprocher de la nature ne peut faire de mal à personne, s’extraire de la matrice, du tumulte qui sert de diversion, se retrouver face à soi, se poser les bonnes questions, prendre la solitude comme un levier créatif. Vivre à la campagne permet aussi de se rendre compte que la vie n’est clairement pas une course, que sorti des mégalopoles galopantes, et bien le temps passe plus lentement.

 Pour finir, je te propose un portrait mongol ou chinois, si tu préfères, si tu étais :

-une figure historique ?

-un poète ?

-un paysage ?

-une boisson alcoolisée ?

-une paire de chaussures ?

-une qualité humaine ?

Une figure historique: il est encore vivant, mais fera à coup sur partie de l’histoire un jour, je serais Paul Watson.

Un poète : je serais plus un écrivain, un Herman Hesse ou un Stephen King.

Un paysage : une aurore boréale au dessus de la banquise.

Une boisson alcoolisée : du Bayley’s, qui s’boit comme du sirop mais qui te pètes bien la gueule en scred!!

Une paire de chaussure : une tong de randonnée

Une qualité humaine : la persévérance.

La persévérance, voilà un mot qui résume bien le personnage, encore merci pour la sincérité et la disponibilité Gab, et, chers amis Mongols, j’espère vous avoir donné l’envie de vous pencher sur ses romans ou ses morceaux dont les liens respectifs vont clore cet article, et aussi, n’hésitez pas à donner un coup de pouce financier à l’artiste, via le financement participatif, lancement prévu à la mi septembre. RMIz, bien sûr, vous en reparlera…

La page FB du roman « Grue ou rage de dents ».

Celle de « Guignol ou la vie d’Arthur Bracquet ».

EN LIEN SUR LES IMAGES DE COUVERTURE

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Seasick Steve: la dèche, le blues et le reste.

Seasick Steve, littéralement « Steve Mal de Mer », on dirait un surnom de pirate, ou encore l’un de ces sobriquets que se donnaient les biffins américains, à la grande époque entre salves de mitrailleuses et virées au bordel.

Chers Mongols, laissez-moi vous présenter Steve Gene Wold. Du haut de ses 74 ans, caché derrière une barbe grise de trois ans, et sous une indéboulonnable casquette « John Deere », quand il entre sur scène, une bouteille de vin rouge à la main, on sait qu’on va pas écouter du Kanye West.

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Faiseur de blues depuis depuis les années 60, ce fils de pianiste de Boogie-Woogie ayant quitté le foyer familial à 13 ans, peut s’enorgueillir d’avoir côtoyé  et travaillé avec les plus grands, à savoir John Lee Hooker, Janis Joplin ou encore plus tard, Kurt Cobain. Ce contentant simplement de ces collaborations diverses, Steve Gene Wold poursuit une carrière loin des codes habituels. Antistar complète, il partage sa vie entre le blues et les voyages, notamment en Europe, et plus particulièrement en Norvège. Et c’est en Norvège qu’un ami lui donna le surnom de Seasick, constatant l’incapacité de Steve à monter sur un bateau sans être malade, et qu’il rencontr

a sa femme, avec qui il aura cinq fils.

De retour aux Etats-Unis, dans les années 90, il fonde à Seattle son propre studio d’enregistrement, ce qui lui permet de rencontrer des artistes de la mouvance rock et grunge en place, et donc Kurt Cobain.

« En grandissant, mes enfants avaient moins besoin de moi, alors je me suis dit que je pouvais peut-être composer un album… »

images3O1D3ZQ7Bim! 2004, sortie de « Cheap », en collaboration avec le groupe suédois The Level Devils. Cet album est une bouteille de bourbon vide, jetée dans la mare dormante qu’étaient devenus tout ces sons américains, le blues, la folk, et le boogie… Avec des morceaux comme « Rockin’ Chair » ou « Hobo Blues », Seasick Steve ne dépoussière pas un genre musical, puisque qu’il en a été témoin et acteur, non, il en est le rapporteur.  Ce gars en salopette tachée et tee-shirt troué nous laisse l’impression d’avoir fait une sieste de 40 ans et qu’il se réveille aujourd’hui, en produisant un son, non sans influence, mais sans reverb’ à la con, synthétiseur, ou autres fioritures qu’on penserait indispensables pour faire aimer un vieux son à la jeunesse. Non,  pour lui :

« Le blues, c’est bon quand c’est sale ».

S’en suit une série d’albums dans le même ton,  sept au total, de quoi ravir toutes les oreilles friandes de ce qui se fait de plus authentique, et s’il vous plaît, servit par un artiste qui respire encore!

Fabriquant lui même ses guitares, il s’amuse à chaque concert à expliquer de quoi telle ou telle guitare est faite, tantôt un filtre à air de voiture, tantôt un bidon d’essence, ou encore une planche à laver, fortement mise en valeur dans ce morceau:

Bref, le gars en impose, et s’il vous prend l’envie de vous décrasser les étiquettes avec des watts et du son pur jus, prenez donc un morceau de ce que l’Amérique a produit de meilleur ! A déguster sans modération.

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Théâtre Du Peuple 120 ans & un week-end !

Si vous aviez suivi le premier article consacré aux « Théâtre du Peuple et Théâtre du Jorat à l’épreuve du théâtre populaire » (par C. Rambaud), vous connaissez notre spécialiste Carole… Et c’eut été sans compter sur elle pour nous livrer en passionnée le récit sompteux d’un week-end sympa autour des 120 ans du théâtre implanté à Bussang dans les Vosges…

Carole (Professeure certifiéé en Lettres modernes)  travaille sur l’oeuvre de Maurice Pottecher dans le cadre de sa thèse (doctorante en Littérature française et comparée),et nous avoue que pour ce reportage : « j’ai laissé ma casquette de chercheuse objective pour me laisser porter par l’esprit du lieu »..!

 

Place à la fraicheur du reportage..!

Le Théâtre du Peuple sous le soleil, vendredi 24 juillet 2015.

Le Théâtre du Peuple sous le soleil, vendredi 24 juillet 2015.

À l’occasion de l’anniversaire du Théâtre du Peuple, fondé à Bussang il y a 120 ans par Maurice Pottecher, un week-end spécial consacré au créateur et à son œuvre s’est déroulé dans le village vosgien les 24, 25 et 26 juillet derniers.

 

Conférences ensoleillées et refroidissement inquiet

            Cet événement fut inauguré par l’intervention en plein air des deux universitaires Marion Denizot et Bénédicte Boisson. Elles ont présenté leur dernier ouvrage[1], écrit à quatre mains, portant sur les 120 années d’histoire du Théâtre du Peuple. Spécialistes du théâtre ainsi que de la problématique du populaire dans l’art littéraire, elles ont su décrypter savamment et agréablement les enjeux esthétiques, pratiques et idéels de ce théâtre si particulier devant un public de fidèles du Théâtre, certes curieux de l’analyse des deux chercheuses, mais aussi attentif et exigeant. Les tensions spécifiques du lieu ont été traitées avec un sens du paradoxe particulièrement vivifiant, donnant à constater la pleine mesure de l’ampleur du projet de Pottecher et de son héritage toujours vivace.

            Pierre Bortolussi, architecte en chef des Monuments Historique a ensuite proposé une présentation historique de l’architecture du théâtre. En dépit des formulations parfois techniques de l’architecte, l’assemblée du public a pu retenir la gageure que représente l’entretien d’un tel bâtiment. Fait de bois de sapin, tendre et fragile, la solidité de l’ensemble doit être surveillée et entretenue dans le respect d’une architecture pensée par le fondateur Pottecher. Consolider et pérenniser sans défigurer, tel est le défi que relève régulièrement Pierre Bortolussi et ses équipes. Classé monument historique en 1976 parce qu’il constitue un lieu de mémoire, parce qu’il est le fruit d’une pensée originelle, le Théâtre de Bussang est donc traité avec tous les égards, a assuré l’architecte, qui n’a pourtant pas pu cacher son inquiétude face aux dégâts que provoquerait un hypothétique incendie dans ce grand vaisseau de bois plus que centenaire. Ce dernier point, abordé pour évoquer les normes particulières auxquelles est soumis le bâtiment, n’a pas manqué de refroidir l’atmosphère (pourtant chaude) qui régnait sur le parc du Théâtre, clôturant étrangement cette première journée.


« Renaissance et destinée du théâtre populaire »

Lecture de La Passion de Jeanne d'Arc , avec le fond de scène ouvert.
Lecture de La Passion de Jeanne d’Arc, avec le fond de scène ouvert.

            Le cycle des interventions a continué le samedi, avec notamment deux heures de lectures vivantes des grandes œuvres de Maurice Pottecher par des comédiens amateurs, dirigés par les anciens directeurs du Théâtre. Leur actuel successeur, Vincent Goethals, s’est lui aussi prêté au jeu, en proposant un extrait du premier acte du Château de Hans, dans une lecture-mise en scène chorale tout à fait en résonnance avec la musicalité du texte. Il y avait une émotion palpable dans la grande salle du théâtre traversée par les frais courants d’airs d’une pluie vosgienne. Entendre, pour la première fois depuis longtemps, résonner les voix des personnages de Pottecher, réduits habituellement à la clameur silencieuse du papier, a permis pour beaucoup d’expérimenter à quel point les pièces de Pottecher, malgré une certaine surannation, peuvent encore enthousiasmer et toucher le public.

Les directeurs successifs du Théâtre du Peuple : de g. à d. : T. Egervari, J.-C. Berruti, Ph. Berling, V. Goethals, F. Rancillac, P.-E. Heymann et P. Diependaële
Les directeurs successifs du Théâtre du Peuple : de g. à d. : T. Egervari, J.-C. Berruti, Ph. Berling, V. Goethals, F. Rancillac, P.-E. Heymann et P. Diependaële

            Le frisson, lui, était le maître-mot du dimanche qui offrait de clore ce week-end par un colloque traitant de l’impact de la participation d’acteurs amateurs dans une création professionnelle. Les directeurs ont, chacun à leur tour, évoqué leurs expériences et souvenirs relatifs à cette question : Tibor Egervari, Jean-Claude Berruti, Philippe Berling, Vincent Goethals, François Rancillac, Pierre-Etienne Heymann et Pierre Diependaële ont offert une conversation de haute volée. Répondant avec beaucoup d’intelligence aux travers d’un tel questionnement, aucun d’entre eux ne s’est jamais départi d’une certaine tendresse assumée pour le lieu et les souvenirs qui s’y rattachent, faisant soudainement apparaître le Théâtre non seulement comme lieu de création et d’émulation, mais aussi comme un foyer, comme une « maison », tel que l’a formulé Pierre Diependaële. La place de l’amateurisme à Bussang est grande : pour chaque création annuelle, environ 2/3 des acteurs sur scène sont des amateurs. Mais loin de d’exacerber des concurrences, des tensions provoquées par une guerre des statuts attisée semble-t-il par le Ministère de la Culture, chaque directeur a souligné la richesse qui découlait de la rencontre entre les amateurs et les professionnels. Lorsque la question de la frontière entre les deux mondes a été abordée, Jean-Claude Berlutti a offert cette réponse : « Il faut être prudent sur cette question. Ce qui a changé notre pratique, c’est le choc d’un lieu qui a permis la rencontre entre des gens dont c’est le métier et d’autres qui font cela pour le plaisir, et il ne faut pas mélanger les deux. C’est important que chacun reste à sa place pour qu’une rencontre soit possible. » Pierre-Etienne Heymann a alors mis en garde contre l’utilisation uniquement économique des amateurs au détriment des professionnels. Vincent Goethals, actuel directeur, a rapidement souligné qu’à Bussang, ce trouble social n’avait pas cours, et qu’au contraire il en surgissait des performances chaleureuses et de qualité. « Ce mélange entre professionnel et amateur n’est plus possible qu’ici », a-t-il assené, non sans fierté. Le mot final fut confié à Jack Ralite[2], sage du conseil d’administration du Théâtre qui a conclu de façon tonitruante et rafraichissante. Avec une fougue intacte, Jack Ralite a défendu, véhément, la culture française et le théâtre, dans un contexte sociétal délicat : « Aujourd’hui, la liberté de création est menacée. Il y a une castration mentale en France et elle est due en partie parce qu’on isole le peuple de l’élite et l’élite du peuple. Nous sommes dans un tournant aujourd’hui aussi grand que celui de la Renaissance autrefois. Il faut rendre à nouveau le peuple populaire ! L’élite croit qu’elle sait, et parfois elle ne sait pas ; le peuple croit qu’il ne sait pas, et parfois il sait. Il est riche de connaissances en actes. Le chercheur, l’élite, doit écouter éperdument les connaissances en actes de celui qu’on appelle parfois « le barbare de la cité ». »

            Le public, frissonnant aussi bien d’émotion que par la fraîcheur de la salle, a applaudi chaleureusement ce cri fraternel qui venait de couronner un échange fort, rare et précieux, témoignage sincère de la vivacité toujours active de la devise du Théâtre de Pottecher, « Par l’Art, pour l’Humanité. »

[1] Boisson, Bénédicte, Denizot, Marion, Le Théâtre du Peuple de Bussang, 120 ans d’histoire, Actes Sud (30 €).
[2] Ancien journaliste à L’Humanité, ancien ministre (Santé puis Emploi dans les gouvernements de Pierre Mauroy) et ancien maire d’Aubervilliers (de 1984 à 2003), il est un homme de culture dans laquelle il s’investit toujours avec passion.

 

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Hip Hop, le nomadisme de guerre

Hip Hop, le nomadisme de guerre

Essai d’interprétation Deleuzienne du phénoméne Hip Hop (par M.R.)

Commençons par un cri, celui de Gil Scott Heron, comme une naissance, le manifeste de la machine de guerre hip hop à venir : “the revolution will not be televised”; « la révolution ne passera pas par le spectacle » ; elle sera moléculaire, imperceptible pour les grands ensembles sociaux ; elle s’infiltrera entre les corps comme un secret,  une rumeur, une contagion.  Désir de feu  intraduisible et qui pourtant pourrait bien  incendier  le ghetto, et même le monde. Et  ce qu’il  paraît rester  aujourd’hui, c’est une invocation hystérique du dernier mot de cette formule.

Télévision, télévision, télévision, et tous ces soit-disant artistes qui prétendent avoir hérités du hip hop ne disent plus que cela ; télévision, télévision, je suis médiatisé donc j’existe. Il n’y a plus de révolte, encore moins de révolution, il n’y a plus de bricolage chaotique de formes d’expressions pour passer le mur de la ségrégation sociale et se métamorphoser en milles devenirs. Télévision, télévision, le hip hop s’est « porno-graphisé », ce qui est un symptôme inquiétant de la maladie spectaculaire, de la bouillie pop pour empiffrer la jeunesse de rêveries capitalistes. Je me souviens de cette punch-line de la Microfaune :microfaune copy « l’immensité du ciel et l’abscence d’oiseaux » : le ciel est toujours aussi immense, surface d’intensité pure où tout peut être inscrit, même et surtout les propositions les plus folles. Mais où sont donc passés les oiseaux?

Et pourtant, il suffit de prendre le métro à Bucarest, le voir entièrement recouvert de graffitis, wagons après wagons. D’écouter le son qui circule comme une marchandise de contrebande et ne parle pas de voitures ou de sexe conforme, de constater comment loin des centres policés par Skyrock et MTV, les périphéries bricolent la machine hip hop à leurs sauces,   y effectuent leurs propres métamorphoses. Rap sorcier gabonais, l’hyper urbanité soufi du rap d’Istanbul, le mélange de violence et de mélancolie tzigane d’un rap balkanique….. Le hip hop n’est pas mort, il  convient seulement, comme toujours, de se méfier de ceux qui prétendent représenter, et de prêter attention à tout ceux là qui, du 9-3 à la terre de feu, n’ont pas cessé de trafiquer du désir en toute clandestinité.

La Rumeur a raison de dire que le hip hop a toujours été la voix des sans voix, et que dès lors qu’un artiste se fait le traducteur des maitres, il y a lieu de le traiter comme on a toujours traité les traitres en période révolutionnaire. “Un auditeur déçu peut vite faire un tortionnaire” disait Casey. Mais quel est le discours, dans son essence? C’est là qu’il me paraît avoir un malentendu, malentendu qui explique peut-être la facilité avec laquelle le spectacle dé-radicalise cette culture. Je pense que le hip hop n’est pas essentiellement un outil de représentation, il n’est pas littérature naturaliste, même pas tellement discursif.

 

 

 

Le projet hip hop est celui de la construction d’une machine de guerre polyphonique pour assumer des métamorphoses, et peupler un futur dans lequel passe un désir pur. Kodwo Eshun, dans son ouvrage brillant sur l’afro-futurisme « More brillant the the sun », distingue deux tendances dans la musique noire: Une tendance à la représentation,  à la subjectivisation, l’injonction à être vrai , à être dans le « Game », comme disent les ricains, à porter un message. Et une ligne de déterritorialisation totale, d’intensité pure, de désir, d’expérimentation. Je ne suis pas de ce monde, je suis d’une autre terre et d’un autre temps. Je suis Sun Ra, de Neptune, mon vaisseau spatial est sonique, et je détiens la clef pour la dé-subjectivisation de tout les terriens encrés dans leurs trop étroites identités, enfermés dans leurs Visages. J’ai entre les mains une arme sonore que je construis au fur et à mesure de mon voyage intersidéral. Nous sommes Funkadelic, un réseau mutant qui perçoit les ondes soniques du vaisseau mère en orbite. Notre musique est un médium pour vous brancher sur le « mothership connection », l’onde extraterrestre qui envoie des particules mutagènes à partir d’un groove ravageur. La première chose que nous ferons, c’est de remplacer votre infâme visage emprisonné dans ce moi que vous trimballez comme une galerie marchande  par votre cul. Vous n’êtes plus qu’un immense « booty », qu’une paire de fesses qui se déhanche le long des fréquences funks extraterrestres, attrapée par le « cosmic slop », Free Your Mind and your Ass will follow. L’esthétique science-fiction ne doit pas nous tromper. Il ne s’agit pas de fantasme, le projet afro-futuriste est bien réel, et bien plus révolutionnaire que toute injonction à rester vrai, à ne pas couler hors du rôle d’un vrai opprimé du ghetto.

Bien sûr qu’il y a domination, inégalité sociale, toute une misère qui loin d’être accidentelle, fait partie de la structure même du monde capitaliste. Mais si l’histoire ne manque pas d’exemples de projets révolutionnaires qui ont fini en totalitarisme ou en bouillie MTV, c’est que ce n’est pas seulement les rapports de pouvoirs et les conditions de productions qu’il s’agit de renverser : il s’agit d’être ontologiquement révolutionnaire, c’est à dire mutant. Nous sommes emprisonnés dans le capitalisme, mais bien plus encore dans le langage, dans le genre, dans le moi, dans le temps et dans l’espace, soit, selon Deleuze et Guatari dans Mille Plateaux, à l’intérieur de deux grands mots d’ordres : subjectivité et signifiance. La machine sociale fait bien plus que constituer des maîtres et des esclaves. Elle produit des individus encapsulés, enfermés dans une injonction à être eux-mêmes. Le comité invisible, dans L’Insurrection qui vient cite une pub de Rebook : I am What i am, comme  révélateur tautologique, branchement du moi sur un néant qui ne peut plus se combler qu’en s’inventant des rôles de séries télés ; petites carrières, petite sexualité, fascination morbide pour le miroir facebook.

Je suis ce que je suis, c’est l’enfermement à vie dans la prison la plus sécurisée qui soit. Et pour que le poids de la captivité, de la solitude et de la sensation de vide ne nous détruise pas de l’intérieur (la dépression est le devenir de ce moi Reebookien) il faut que l’individu encapsulé prouve qu’il est un être d’exception.Pour conjurer le vide, il faut que mon moi soit vu par tous comme étant unique et brillant. Il faut que je puisse m’extraire de l’anonymat du multiple pour être le plus extraordinaire possible. La vie devient une vaste entreprise de communication, une vaste mise en CV. Nous choisissons de vivre nos expériences en fonction de leurs potentiel à nous rendre désirable, « embauchable ». Par rapport à ce dispositif où ce qui est acheté et vendu, ce sont des caractères d’individualisation stratégiques, affirmer avec Rimbaud et tous les fous, les poètes, les drogués, mystiques et visionnaires que « Je est un autre » apparait comme un acte proprement révolutionnaire. Au-delà du hip hop, ou de la musique, c’est l’ensemble de la culture qui est face à un choix. Soit  jouer le jeu, « the Game », et enfoncer encore plus profondément le monde dans ses prisons, ou fuir, faire couler, chercher les ondes mutagènes ;  renoncer par là à être culture pour devenir machine de guerre :   et nous chantons avec les Last Poets : « How I wish I could fly , fly away fly away ».

Le hip hop s’est formé comme machine de guerre mutante pour la libération du désir. Le hip hop n’a cessé de fuir, emportant le ghetto avec lui, faisant du ghetto une surface d’inscription pour mille  devenirs dans toutes les directions. Il suffit de remonter aux origines. Grand Master Flash, c’est Flash Gordon, le surfeur d’argent, c’est le super héros des comics américains, surhomme Nietzschéen dont le super-pouvoir  est de faire passer le vinyle par des vitesses absolues grâce au scratch.zulunation copy Afrika Bambaataa connecte le ghetto aux ondes froides de l’urbanité allemande, attrape le transsibérien de Kraftwerk pour l’accoupler à des infra-basses funks, et plonge le tout dans un primitivisme africain qui se situe aussi bien dans le futur. Le ghetto est fait de gangs, lui ne reste pas fidèle au jeu , son gang sera une tribu, une connexion nomade archaïque : Universal Zulu Nation ; le train « trans Europe express », qui est plutôt un vaisseau spatial.

Dans le manifeste de la Zulu Nation, Bambaataa l’affirme déjà. Le hip hop, ce n’est pas seulement la musique, c’est la construction d’une machine pluridimensionnelle qui passe dans toutes les directions ;  le flux d’écriture du graffiti ; le flux de déstructuration du corps qui apprend à voler dans le break dance ; le flux du beat et du scratch piloté par le dj, le flux de parole rythmé du MC… Reprenons quelques-uns de ces rouages « machiniques » pour mieux comprendre en quoi ils sont tous agents de mutations. (Je ne dirais rien sur le break dance, car je n’en sais pas grand chose).


 

Le graf’, cet art vandale, et un acte de guerre. En inscrivant sa marque dans l’espace urbain, le grapheur fait de la ville sont territoire. Le cri politique du graf’, c’est que la ville appartient aux tribus qui se l’accaparent. Foucault montre bien comment la ville tend à se construire comme espace panoptique aseptisé.

La société de contrôle cherche à conjurer l’émergence d’une ville qui serait terreau de solidarités incontrôlables, pour lui substituer un espace cadrié, policé, strié de ses caméras de surveillances qui font que, peu importe qui regarde ou si quelqu’un regarde, l’on ose plus être soit-même. La ville des urbanistes est un espace de transition, marqué par des pôles. On passe du point A de l’habitat au point B du travail, au point C d’un espace de consommation. Internationalement, les plans d’urbanismes tendent à transformer les espaces propres à la stagnation, à l’interaction informelle, comme les places et les parcs, par le centre commercial qui est une version « sanitarisée » et capitalisable de l’Agora. Cela évoque l’avertissement proféré par le personnage principal du film My dinner with Andre de Louis Malle : New York est le prototype d’une prison où les prisonniers sont leurs propres matons.

Bien qu’ils puissent être tolérés par le bio-pouvoir comme dose d’insécurité justifiant des lois sécuritaires, le squat, le bidonville et la cité sont des figures urbaines qui s’inscrivent dans un tout autre rapport avec la ville. Règne de l’organique, déstructuration des planifications antérieures au profit d’une prolifération du chaos, improvisation, rapport charnel à l’espace,développement de relations intenses et non-contrôlables, création de solidarités et de responsabilités  qui découlent de l’idée d’être d’un milieu, si loin de l’adaptabilité du moi encapsulé dont le sens du politique se réduit à voter quand on lui dit de le faire. Et ce flux de graffitis qui s’écoule des périphéries vers le centre doit être lu comme une déclaration de guerre, rébellion face à une ville qui n’appartient à personne, même pas au flics qui la surveillent ; guerre qui s’effectue dans l’acte concret de marquer, d’inscrire, soit de faire territoire. Pour employer une nouvelle foi une terminologie Deleuzienne, le graf’ est à la foi déterritorialisation du ghetto vers le centre, et re-territorialisation guerrière contre la déterritorialisation négative absolue du contrôle. Le caractère vandale du graf’ prend tout son sens. Le street-art recyclé dans des galeries, c’est une bataille perdue, une victoire urbaniste.

Lors de la biennale de 2005  à São Paulo, des « pixadors »/ »pichadores » (graffeurs dont le style est typique des favelas brésiliennes) se sont invités à l’inauguration, et ont recouvert tout ce qu’ils pouvaient de leurs marques. La première réaction de l’institution a été judiciaire, mais elle a fini, lors de la biennale de 2008, par réagir plus pernicieusement en exposant quelques graffeurs. L’un d’eux a alors eu la cohérence de profiter de  son statut  pour s’infiltrer, et recouvrir l’œuvre  la plus en vogue de l’exposition  de sa marque : lacération au couteau et coups de marqueurs. Vous ne choisirez pas quelles seront nos territorialités. Nous ne cesserons d’y être extérieur. Nous ne sommes pas représentation, nous sommes virus, et vous ne pouvez pas nous inviter au musée. Notre fonction est de nous inviter nous même, encore et toujours , partout où vous pensez que les murs sont et resteront à jamais propre. Car c’est ainsi que sont faites nos armes.

Mais il y a une deuxième manière de comprendre le graf’, où il n’importe plus qu’il soit ou non exposé, et qui est proprement perceptive. Le graffiti est une force dans une guerre pour le contrôle des moyens de perceptions. Le « times new roman » a fait place à l’écriture manuscrite. La typographie est devenue une fonction de logiciels de traitement de texte, ou un outil entre les mains des experts en communications, des publicistes. Le savoir du graffeur, c’est que la graphie importe au moins autant que le sens de la chose écrite, parce qu’elle détermine la richesse de notre perception. La disparition de la pluralité de la graphie, c’est un appauvrissement des singularités, un des facteurs de l’imposition de la réalité consensuelle. La calligraphie est  l’art antique d’une poésie de la forme, esthétique qui est aussi expressivité de la lettre comme image. Cette science complexe a dans certaines cultures des dimensions proprement mystiques, comme dans la tradition soufie, où il s’agit pour le calligraphe d’entrer dans une vacuité dans laquelle il peut retrouver l’acte primordial d’Allah écrivant le monde, et par là faire sienne les énergies impliquées dans un tel processus. Le graffeur renoue avec de telles traditions, il assume le rôle à peut prêt solitaire de contre pouvoir dans cette lutte perceptive, et il répond à l’asséchement quasi total par la plus folle exubérance. Creuser le mot à tel point qu’il devienne illisible, proprement pictural, forcer le public à se réveiller à la conscience de ce combat acharné qui se joue, dans le mot comme dans toutes choses, pour que l’humain ne devienne pas un simulacre de vie, entièrement planifié par le contrôle.


 

Examinons à présent ce qui se joue dans la matière proprement sonique du hip hop. L’art du DJ est une  déconstruction du morceau musical comme produit finit, de l’art comme monde clôt, comme objet sacral culturel. Le scratch passe à l’intérieur du vinyle, le fait exploser en intensité pure, en le soumettant à des processus de lenteur et de vitesse. L’objet vinyle devient un portail, un instrument percussif monumental ouvert à des expérimentations infinies. déconstruction de l’objet, transformé en substance, en source quelconque de fréquences sur lesquelles jouer. Nous ne voulons plus être consommateurs passifs de CD’s qui sont comme autant de mots d’ordres à se définir. Nous sommes des « Grand Master », des scientifiques  fous, des grands manipulateurs. Ce dont il s’agit au fond, avec le scratch, c’est d’inventer un nouveau langage. Le scratch n’est pas seulement rythmique, il est proprement langagier. Déterritorialiser la langue ; l’écraser sur une frontière où elle devient cris d’oiseau, bruissement d’insecte, mais plus profondément encore gazouillis électronique de molécules en fusion ; parlé extraterrestre pour recevoir les mots d’ordre de la « mothership ». Le scratch, c’est l’argot de ceux dont le désir est de se vivre en aliens.

Quand au « beat », au rythme, il est prélevé de cours solos de batterie, les breaks, généralement volés à d’obscurs titres de funk des années 60. Ces 5 secondes rythmiques se voient étalées, répétées à l’infini, subissant des micro-variation. Le hip hop kidnappe la musique à travers le sample, et l’étale jusque par-delà l’horizon. Processus qui a pour effet de faire exploser le temps, looping éternel d’où se met à couler le grand Autre, l’éther, le désir. La répétition en boucle du même produit des rapports particuliers avec le silence ; étirement des formats musicaux jusqu’à leurs degrés d’élasticités suprêmes, où les sons se dépouillent des parures, dans la nudité de l’efficace, au même instant qu’ils se mettent en tension jamais assouvie avec le silence comme intensité suprême. Dans certains cas ce travail de termites voile totalement le produit original. Qui se souvient du groupe Amen ? Tout le monde connait pourtant le Amen Break, ce breakbeat reproduit des millions de fois, dans le hip hop d’abord, puis dans la jungle, qu’il a contribué à créer. Le Amen Break comme format, toujours le même, mais rendu chaque fois différent, trituré, torturé, soumis à des lenteurs glaciales et à des vitesses tropicales, disséqué dans le sampleur de chaque DJ et chaque fois différent ; variations infinies sur un même thème. Le sample comme le scratch sont des positions terroristes face à l’art bourgeois, à la définition de l’artiste comme propriétaire d’un monde fermé sur lui même et qui ne consent à descendre dans le réel que dans les conditions aseptisées d’un CD, d’une exposition ou d’un livre. Le Dj  a le même rapport avec la culture que ces ouvriers qui s’approprient la matière livre, en déchirant les pages pour les faire circuler. Non plus discours unique de l’Artiste Dieu, seul détenteur d’un capital culturel  qu’il garde jalousement, mais polivocalité et rapt. Forcer la matière musicale à se coupler avec de nouveaux flux, à entrer dans des rapports inédits, à muter et à faire muter, comme le train des grands froids allemand qui change de sens et de direction, lorsque Bambaataa le kidnappe, en opère le détournement vers l’Afrique.


 

cut up copyWilliam Burroughs était-il le premier Dj hip hop, le premier sampleur, avec la machine littéraire du cut-up? Prélever des fragments de textes au hasard, multiplier les sources, les ré-assembler et regarder des sens nouveaux émerger comme des fleurs, constater comment l’aléatoire produit des significations. Oblitération de la frontière entre le sens et le non-sens, comme la musique électronique avec John Cage commence à détruire la frontière entre le bruit et la musique. Le monde devient gigantesque partition, gigantesque livre mutant en métamorphoses continuelles.
Dans La révolution électronique, William Burroughs se livre à des expériences de sorcellerie à l’aide de magnétophones et de vidéos.  Cacher des micros dans la chambre d’un politicien, enregistrer le son de relations sexuelles non-conformes. Mixer cela avec des extraits de quelques-uns de ses discours publics et de samples de foules en colère. L’audition de cette cassette fait entrer le politicien dans de nouveaux rapports de non-conformité et de production de révolte chez le peuple. Création d’une malédiction électronique, qui, si diffusée à assez grande échelle, peut avoir des effets très concrets sur la cible.

Tout message a un sens, manipuler ce sens en le connectant avec des messages d’une autre nature et au sens différent, c’est créer des connections nouvelles chez le récepteur du message, qui manipulent la perception du réel. Ce peut être une arme, comme un outil de découverte, de devenir. Pouvoir politico-sorcier du Dj, qui se sert du monde comme d’une gigantesque bibliothèque, manipule les messages pour les faire entrer dans des agencements nouveaux où ce qui était lié se délie, où s’opèrent des déterritorialisations et des re-terrioralisations improbables, où l’assemblement de messages hétérogènes dans un même ensemble fait percevoir des choses imperceptibles, sentir des sensations pour lesquelles il n’y a pas de noms, saute les continents et les époques. Le sampleur réagence le réel, le sampleur est agent du Chaos. Le sampleur est sorcier.


 Le MC, « master of ceremony », est le grand prêtre du rituel hip hop. C’est à cause de sa fonction de mise en mots, de porteur du message, qu’il est par excellence la figure que la société du spectacle a subvertie, corrompue. Face à un mouvement menaçant, la réaction de l’ordre établi est toujours identique : identifier un chef, un leadeur, au besoin le créer, puis l’acheter pour lui ôter le goût d’être subversif. Si le personnage se révèle incorruptible, il s’agit alors d’en faire une idole, de constituer une image déformée de lui qu’on médiatisera à large échelle, image évidement aseptisée. La magie noire médiatique finit par remplacer l’original par la copie, si bien qu’imperceptiblement, il se produit un décalage entre la source de subversion et le symbole que l’on s’en fait ; décalage qui rend le mouvement capitalisable. Hors, comment transformer en leadeur un dj qui n’accepte plus de parler que dans le langage extraterrestre qu’il s’est construit en triturant hystériquement des vinyles ? Ou un graffeur pour qui le sens de la bataille se situe dans la forme du mot, où le message n’a pas autant d’importance que le lieu et la manière de l’inscription, et dont la clandestinité nécessaire implique un certain anonymat ??? Seul le MC peut être mis sur une affiche ou un T-shirt, adulé, manipulé, détourné. Mais voyons comment une certaine lignée de rappeurs déterritorialise le flux de parole, refuse le rôle de représentant pour endosser celui de technicien du mot, agenceur de machines nomades qui effectuent des migrations et des allers-retours entre le ghetto et des ailleurs mutants. Comme la bien dit Hamé de La Rumeur : « Ici, la périphérie est le centre, et des territoires libérés s’inventent. »

Comme le font remarquer Deleuze et Guatari, il n’y a pas d’un côté une langue commune, et de l’autre un argot que l’on pourrait penser comme un système à part. L’argot ne fait pas système, il opère des mises en tension sur la langue dominante, effectue un va et vient permanent entre des niveaux de langage. Mais parler d’argot présuppose de penser l’idée de majorité. Il y a un état majoritaire de la langue, celle que parle l’homme blanc hétérosexuel de classe moyenne et riche. Cet état majoritaire n’est véritablement occupé par personne. Il n’y a que des minorités plus ou moins inadaptées à l’état majoritaire, état qui est comme un trou noir , ou un ordinateur, place fantôme panoptique vers laquelle tout converge et  qui classe la masse en fonction de son degré de conformité relative. De ce point de vue, le majoritaire tire vers sois l’ensemble afin de l’inscrire dans une hiérarchie définie par le degré de conformité. Et constituer toute une micro-politique, des mécanismes de bio-pouvoir, cette auto-correction, « auto-disciplination » du sujet pour tenter de se rendre digne du majoritaire, mais  jamais assez, toujours plus disciplinable. (Encore une foi La Rumeur : “La meilleur des polices ne porte pas d’uniforme”)

De l’autre côté, il y a des réappropriations de la langue, des contre-flux qui partent des périphéries pour attaquer le centre, pour en brouiller l’idée, imposer des ontologies qui ne se laissent plus hiérarchiser. L’argot est une arme minoritaire. Le vocable « minorité » est une émanation du contrôle, c’est la périphérie qu’elle rejette ou entend transformer. Partant de là, le minoritaire est un départ possible, une manière d’assumer sa position et sa trajectoire, non plus de la marge vers une impossible Rome, mais plutôt vers un ailleurs indéterminé. Se réclamer minoritaire, c’est faire la guerre à la majorité, assumer d’autres vies possibles et encore inconnues, d’autres rêves que celui d’occuper le poste de capitaine sur un navire maudit. C’est ainsi que les rappeurs, en jouant sur la langue, en la faisant passer par toutes sortes de distorsions, substitutions, variations, mélanges, tendent à saboter une réalité de minorité pour construire à la place un processus minoritaire.

« Pourquoi y-a-t-il tant de devenirs de l’homme, mais pas de devenir homme ? C’est d’abord parce que l’homme est majoritaire par excellence, tandis que les devenirs sont minoritaires, tout devenir est un devenir minoritaire. Par majorité, nous n’entendons pas une quantité relative plus grande, mais la détermination d’un état ou d’un étalon par rapport auquel les quantités plus grandes aussi bien que les plus petites seront dites minoritaires : homme blanc adulte mâle, etc… Majorité suppose un état de domination, non pas l’inverse. (…) C’est en ce sens que les femmes, les enfants, et aussi les animaux, les végétaux, les molécules sont minoritaires, (…) il ne fait pourtant pas confondre « minoritaire » en tant que devenir ou processus, et « minorité » comme ensemble ou état. Les juifs, les tziganes etc peuvent former des minorités dans telles ou telles conditions, ce n’est pas encore suffisant pour en faire des devenirs. On se re-territorialise, ou se laisse re-territorialiser sur une minorité comme état, mais on se déterritorialise dans un devenir. Même les Noirs, disaient les Black Panthers, ont à devenir noir. (Deleuze et Guatarri, Milles Plateaux p.356)

Le rappeur est celui qui agence le langage comme une arme et comme un départ. Une grève, suivie d’un exode, le tracé « lyrical » d’ailleurs qui ne sont sur aucunes cartes. En ce sens, le MC est un grand nomade, de cette race supérieure de voyageurs qui n’ont pas besoin de changer physiquement de lieu pour être en « départure » permanente, et emporter leurs mondes avec eux. Une des généalogies possible du chant parlé rythmé qui caractérise le rap en tant que style musical est, selon David Toop (Rap Attack), les techniques « récitatives » des griots africains. Hypothèse convaincante si l’on pense à l’idéologie de retour aux racines préconisées par les grands pères du hip hop comme médicament face au vide laissé par des siècles de domination chez la population afro-américaine. Gill Scott Heron, The Last Poets… Voilà une musique des grands ensembles urbains, qui réinvente une tradition issue du monde rural d’un continent situé à l’autre bout de l’Atlantique. En fait, il semble que part quelque bout qu’on la prenne, cette culture est tendue par un monumental nomadisme, façonné par cette incroyable capacité du peuple noir des Amériques à résister à un monde hostile et à un système culturel qui les écrasent en bricolant des valeurs et des mythologies issues des quatre coins du monde.

 

Si bien que le professeur Paul Gilroy peut parler d’Atlantique Noire, concept fascinant d’une culture transnationale aux frontières mouvantes et indéfinissables, gigantesque laboratoire où les mouvements politiques, les formes artistiques et culturelles s’entrechoquent, rebondissent et mutent dans leurs aller-retours incessants entre trois continents, de chaque côté de l’océan, à la vitesse supra-sonique de l’information.

L’Atlantique Noire prend naissance dans l’odieux commerce triangulaire. Elle est née d’une domination, qui, autant en Europe qu’en Afrique ou aux Amériques ne s’est pas attendrie d’avoir pris des apparences et des justifications apparemment plus conformes aux droits de l’homme. Ce qu’elle a réussi à tirer de cette situation, ce qu’elle a été capable d’inventer , c’est ce processus minoritaire « diasporique » de mutation perpétuelle, incompréhensible avec des concepts tels que celui de mondialisation, d’américanisation généralisée de la planète. Certes l’Atlantique Noire entière résonne du chant de guerre hip hop, comme une sourde menace, mais il ne faut pas croire que les sorciers Gabonais, lorsqu’ils se mettent au Rap, copient les désirs des néo-samouraïs new-yorkais, ni que leurs variations sur un thème en breakbeat n’envoie pas d’ondes mutantes sur toutes les autres rives de l’océan informationnel. Au-delà de la musique, c’est le monde noir qu’il faut entendre comme ce gigantesque trafic d’idéologies, de conceptions du sacré et rythmes en contrebande, à la manière dont une religion issue de l’empire Yoruba prend des formes inattendues et explosives en devenant Vaudou, Santeria et Candomblé des milliers de kilomètres à l’ouest.

Pourtant, cette idée me paraît être une simplification de la vitesse et de la globalité du processus. La vérité, c’est que les rappeurs afro-américains, pour suivre l’injonction Black Panther et enfin devenir noirs, doivent passer par être tout les peuples du monde, voir inventer d’autre peuples, ou lancer des ondes soniques vers d’autres planètes, ainsi que dans les lyrics de Doctor Octogon sur le morceau « Earth People » : « Earth People. New York to California. I was born in ******* ».

Et cette nécessite est partagée par tous les maitres « lyricistes » du monde, qu’ils soient zulus ou Tupinanba, par tous les poètes les artistes, les révolutionnaires. Qu’on pense à la manière dont aux États-Unis, ceux qui cherchaient d’autres déterminations pour le noir que celle de l’éternel sous homme ont étés amenés à réinventer la religion « Mahomet-tienne », à travers la Nation of Islam, église qui professe que l’homme à son origine est noire, ainsi à l’image de Dieu, et que le blanc est le fruit d’une manipulation génétique sataniste effectuée par un savant fou d’une antique civilisation préhistorique. Cette version afro-centrée de l’Islam trouve une expression encore plus radicale avec les « 5 percenter », ce mouvement religieux essentiellement natif des ghettos de New-York. Désormais, l’homme noir EST dieu. A travers cette idéologie , le rap New-yorkais des années 80 à 90 trouve sa force, la fontaine de sa puissance. Le rap voyage dans une terre d’Islam revisitée par ses propres codes pour en tirer une force infinie, celle du divin fait homme (le mot Allah, pour les 5 percenter, signifie Arms Leg Leg arm Head, soit l’homme, Islam I myself lord and master). Le genre de force nécessaire pour apprendre à court-circuiter le « panoptisme », pour apprendre a être un nomade enveloppé dans son véhicule minoritaire, prêt à tout réinventer, même à foutre le feu, si nécessaire. Les noms de ceux qui ont accepté ce voyage oriental sur place, où Harlem devient la Mecque et le Bronx Médine, sont des figures aussi universellement respectées que le Wu-tang-Clan, Busta Ryhmes, Nas ou Gangstar.

Qu’on pense à une autre inspiration orientale qui s’épanouissait dans les bas-fonds du New-York des années 90, ce devenir zen originairement insufflé par des mauvais films d’arts martiaux et qui fleurit dans les lyrics du Wu-tang comme un lotus sous la forme d’étrange bodhisattva gangsters. Poésie où le ghetto prend des airs de sociétés secrètes. Parfois, pour résister à la virtualisation mortifère de nos conditions d’existences, il est nécessaire de faire de sa vie un film . La déterritorialisation Ninja ou Samouraï, c’est l’organisation d’une meute, d’une armée. Cette étique mystico-militaire prépare les conditions d’une guerre, elle affirme aussi des solidarités de milieu, hors de l’individualisme capitaliste. Ne plus simplement être d’un quartier, mais de la « 36 chamber« , soit d’une loge, avec des responsabilités et des alliances guerrières. Et la transcendance de tout cela vers l’illumination totale de conditions de vies enfin libérées de la tyrannie majoritaire. Ou bien sinon mourir sur le champs d’honneur, en Samouraïs.

Cette exploration du hip hop n’est évidement pas objective. J’ai suivi certaines généalogies, pour mieux en passer d’autres sous silence. Ce qui est mis ici en relief, c’est au fond cette idée que ce que les hommes font quand ils utilisent leurs potentiels artistiques, ce n’est jamais de la culture. Mais plutôt ce qu’il faudrait appeler, pour le résumer en un mot, du mouvement. L’art, c’est une expression de cette volonté admirable de l’homme à toujours tenter de voir plus, de sentir plus. Il y a dans le cœur des poètes cette intuition qu’il existe des mystères et une volonté magnétique de s’avancer seul dans la nuit, pour tenter de les embrasser, en s’exposant ainsi aux plus grands périls. L’art est toujours révolutionnaire, et la culture, c’est cette réaction d’apprivoisement, de musèlement du processus artistique par les forces mortifères réactionnaires de l’ordre établi, qui rabattent tout sur du connu. Dans cette perceptive, l’art est un combat, l’explorateur ne part jamais sans ses armes, car il sait que l’empire de ceux qui dorment ne laissent personne s’échapper.

Mais le jour viendra où les rêveurs sans sommeil viendront réveiller votre sommeil sans rêves.

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