"L'avantage de la radio sur le cinéma, c'est qu'à la radio l'écran est plus large." Orson WELLES. _________<<<——<< média tout culturel poético-philosophique >>——>>>_________
AUTOMNE 2021, je converse avec Christian INGRAO, sur les passions et l’œuvre humaine(s), … Nous nous fûmes rencontrés à l’été précédent, grâce à la merveilleuse initiative d’Ertzin : cet entretien distancé. Bref, notre professeur spécialisé en horreurs et barbaries venait de publier « Le Soleil noir du paroxysme » (Paris, Odile Jacob, 2021, 312-350 p.) ; j’avais le privilège de taper une discussion rencontre avec, pour ces dernières heures parisiennes, aube d’une nouvelle vie berlinoise.
Ce jour de rencontre, impact, nous bavardons, et nous découvrons un penchant de curiosité commune pour Maurice G. DANTEC, hyper-contreversé ! Mon préféré le journal de l’année 1999, le sien Villa Vortex si je me souviens bien…Bref, partons de ce postulat de DANTEC en 1999, Le Théâtre des opérations : le rire n’est pas le propre de l’homme (cf RABELAIS que je trouve perso Géant !) ; c’est la guerre le propre de l’homme. Alors je demande à notre historien référence cet article de commande, réflexion réflexe, miroir, une production bienveillante, gentille, gratuite… les lignes qui vont suivre : LES VOICI !
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La guerre en Ukraine aura mis deux mois à trouver ces martyrs, avec les hommes de la 36ème Brigade de marine combattant dans Azovstal, une légendaire usine de construction mécanique située à l’est des installations portuaire de la ville, dont Adam Tooze s’est récemment fait l’historien1. Cette guerre s’est aussi trouvé son hymne.
Les deux symboles illustrent le fait que par-delà les considérations immédiates sur les circulations de savoirs-faire, de pratique et d’information qui s’opèrent dans l’agression russe, laquelle s’appuie de tout son poids sur l’expérience et le matériel accumulé entre l’invasion de l’Afghanistan, les « opérations de restauration de l’ordre constitutionnel » en Tchétchénie entre 1994 et 2005 et l’intervention en Syrie depuis 2015, les horizons culturels des combattants ukrainiens se fondent, eux, sur les deux conflits mondiaux : Azovstal n’est-il pas le lointain écho de cette usine Dimitrov où les combattants soviétiques, acculés à la Volga, repoussèrent les Allemands au cœur même de Stalingrad avant que ces derniers fussent encerclés par les armées de secours ? Quant à ce « оиулуэицерновакалина [Oi u luzi chervona kalyna]2 » qui pourrait bien se retrouver dans toutes les têtes et pas seulement ukrainiennes, il s’agit d’un chant patriotique de marche datant de la Grande Guerre.
Sans doute s’agit-il là d’un réflexe commun aux deux belligérants ; un réflexe que l’on retrouve lorsqu’il s’agit, pour les Russes, de définir le pourquoi de leur combat. Il arguent du fait que l’Ukraine ne s’est pas débarrassé des fantômes de la collaboration avec l’Allemagne nazie et qu’ils agissent pour l’en libérer. Comme le montre Guillaume Lancereau3, cependant, le régime de vérité qui constitue le substrat culturel de la guerre menée par la Russie n’est pas seulement fait de passé et de mémoires à vif, mais bien aussi d’angoisse du futur, d’apocalypse et d’eschatologie.
La guerre, ici, se montre telle qu’elle est, saisissant les êtres et les groupes et bouleversant, tout, jusqu’à la conscience du temps. Nous sommes loin d’en avoir fini avec elle et son terrible enseignement.
J’ajoute à cela que mon grand-père en résistance à la Libération de Vesoul en automne 1944 m’a narré ce fait des soldats ukrainiens sur le rond point direction Besançon, pro-nazis ont retourné leurs fusils… C’est tout, récit d’un papy qui a fait de la résistance et connu toutes les erreurs, errances et horreurs de la guerre peut transmettre à un gamin de dix ans…
MISE à jour : cet article s’écrit depuis Bar-Le-Duc vers Verdun, sur la Voie Sacrée, donc j’ai orienté ma virée à Verdun, j’évoquais le choix Berlin par notre professeur interrogé, tout ceci est lourd de symboles sur le thème guerrier… Ainsi, j’ai choisi de méditer et stopper pour cristalliser le chemin guerrier curieux à Verdun pour rendre cette galerie photographique : un cimetière allemand au nord de Verdun, le cimetière militaire français sur place et un cimetière militaire allemand au sud de la ville. Ma conclusion à la Maître YODA : DE VAINQUEUR UNE GUERRE NE CONNAIT PAS, de morts perdus elle gagne à chaque coup.
Pour boucler la boucle, Dantec à Dantec : le journal de l’année 1999 prenait parti de parler de l’an 99 au travers de chaque théâtre des opérations dans le monde. Si 14-18 devait être la DER des DERS, 1939 nous appris autre chose. Ainsi ma journée du 9 mai, symboles différents en Russie et en CEE, fut consacrée à la visite suivante… trouvée sur mon hasard de route : le cimetière soviétique de Valleroy (54)…
Ce mercredi 9 mars 2022, depuis minuit, un communiqué de l’état fédéral de Suisse proclame l’annexion d’une partie de la Franche-Comté : le Haut-Doubs. « Chers nouveaux citoyens, nous vous annonçons ce que nous nommerons le Petit remplacement, une prise de contrôle administrative, économique et culturelle des emplacements visibles sur la carte suivante. »
La commune de Frasne a été désignée pour devenir chef-lieu du nouveau canton suisse « le Haut-Doubs » ; à noter les communautés de communes Loue-Lison et Altitude 800 ne sont pas rentrées dans le giron de la Fédération Helvétique.
Les habitants de Frasne ce sont réveillés un peu désorientés, apprenant l’information du jour en se rendant chez leurs commerçants, ou accomplissant leurs activités habituelles malgré les changements opérés dans la nuit.
Création spéciale désinformation, pour la communauté de communes Frasne Drugeon, avec des volontaires de 12 ans, le 9 mars 2022. [Pas de référence militaire par respect au front russo-ukrainien]. Environ 40 minutes audio.
La Porte Saint-Pierre de Pontarlier devrait être équipée d’une nouvelle horloge de mécaniques issues de chez Rolex.
Mairie de Frasne, face à la médiathèque.
L’école primaire de la nouvelle capitale du Haut-Doubs suisse, Frasne, est aux couleurs helvètes, profitant de ce mercredi matin sans cours pour afficher le changement de la prise charge éducative.
Quelques précisions de nos reporters :
Tout a pu naître dans les esprits helvètes par du football : le dernier Euro a initié l’invasion… En effet, le huitième de finale du 28 juin 2021 joué à Bucarest a vu la victoire de « la Nati » dans un match tendu. Des échos de cet événements sont avancés en fin du reportage audio ci-dessus avec la rencontre d’un responsable sportif suisse disant vouloir recruter les jeunes talents français et organiser la reprise des structures du nouveau canton.
La Suisse tenterait de racheter le club Paris-Saint-Germain, éliminé ce même jour de la Ligue des Champions par le Real Madrid, à ses propriétaires actuels, cherchant ainsi à étendre son influence au delà du département du Doubs.
La Communauté de communes du plateau de FRASNE et du Val du DRUGEON, responsable de la médiathèque a du céder aux désirs culturels et littéraires du nouveau pouvoir avec l’exclusivité d’auteurs suisses disponibles en emprunt, tels Joël Dicker, Jean-Jaques Rousseau, et autres têtes de proue du pays en la matière, comme on l’entend également dans notre reportage sonore où les habitués cueillis à froid s’en plaignent.
La condition de l’esclavage est « naturellement » associée à la négritude en occident…, même si nous verrons avec cette publication, que l’asservissement concerne toutes les époques et variétés humaines, tous les points du globe.
C’est donc avec beaucoup de retard, que j’ai le plaisir de livrer ici en reportage, une visite audio accompagnée du fil photographique, de la Maison de la Négritude et des Droits de l’Homme de Champagney, commentée par Élodie Lambert, responsable (remerciements à Serge Robert, animateur du lieu, et Maxime Bichet des Archives Départementales). Certes nous n’aurons pas la qualité audio parfaite, mais la visite est agréable à vivre en réel si vous en avez l’occasion. Le fond musical est signé Shango et la chanson intermède Burning Spear. Puis un extrait instrumental d’Hans Zimmer (film Gladiator) [et malheureusement pas 12 years a slave] et Slavery & Sufffering (Howard Shore). Ce son est un peu décousu, voulant évoquer chaque salle de ce musée humaniste avec les abolitions américaines, françaises, les conditions des bateaux et des esclaves, jusqu’à une ouverture sur les temps modernes et ce qu’il subsiste de l’esclavage dans le monde actuellement. Vous pouvez vous reporter à la galerie photos ci dessus pour recouper différents éléments.
Reportage du 10 juin 2021, à la Maison de la Négritude et des Droits de l’Homme de Champagney, avec Élodie LAMBERT par Màxim Pozor : 10 minutes audio.
Photo du tournage de l’émission Secrets d’Histoire évoquée.
Frappé par la vie, je me fis un soir, le 28 octobre XXI21, inviter au Théâtre Antoine, par Ed’itH pour y rejoindre Ed’ouarD… Et puis, vous me connaissez, je ne suis pas plus mondain que clochard… C’est céleste. Comme BAER.
Ça démarre ici à le Syndicat, sans parler de dopage…
Toujours est-il que l’inénarrable et insaisissable artiste, artisan du verbe, nous a encore épaté, montant d’un cran entre littératures et théâtralité. Inclassable et complet dans le PAF et le cinéma, admirons comme il maîtrise la promotion ici-bas : Asterix et Obélix au service de sa majesté (avec Fabrice Luchini en César) !
Perpétuons la tradition littéraire de notre média, au carrefour des arts et des cultures, et donc place et honneur à notre collaborateur de la partie depuis les premières heures : Christian Petit.
C’est avec deux nouvelles de son cru que nous lui faisons la part belle, l’une coquasse [« Hold-Up »] en écoute audio, l’autre [« À poings fermés »], poétique, (2015-2020 en terme de gestation), plutôt à lire et relire ici-même.
La suite n’a qu’une consigne : à bon entendeur…, … Salut ! Salutations !
( Oui, abus de majuscules et d’exclamations : hommage à Donald du rédacteur pozor’ist 😀 )
Désormais, place à » À poings fermés « ; ceci étant une nouvelle plus fraîche, lisible, une aventure entourn’ante, … à découvrir ci-dessous… !
À vous de « juger » sur pièce, tout commentaire en bas de page est bienvenu, afin d’encourager l’auteur modeste et généreux. MERCI LECTEUR… !
_ Dis donc, c’est notre histoire ce truc projeté contre le mur..! _ C’est elle. _ T’es certaine ? _ Certaine. _ T’as pas le programme par hasard. _ Pas la peine, c’est elle. _ D’habitude, elle commence pas comme ça, non ? _ Elle commence par la fin aujourd’hui. _ Oui, oui, bien sûr. Tu me diras, c’est pas plus mal. _ Mais regarde, nous voilà, _ oui, oui, au début on nous voit, toi et moi… _ C’est bien nous là. … et il pleut. Regarde comme elle devient une belle histoire avec le temps, vaillante, sans but. _ De là à commencer par la fin. _ C’est vrai qu’il pleut au début, puis qu’il ne pleut plus. _ C’est plutôt un bon début, non ? _ Pas mal pour une sacrée petite histoire toute simple ou l’on nous voit toi et moi, tu t’en souviens ? _ Je m’en souviens. _ On nous voit, deux ombres dansantes entre des grains de poussière. _ Lumineuse la poussière, n’oublie pas, lumineuse, ça change tout. _ Lumineuse et toi et moi, un brin affolée par les conjonctures… _ Lumineuse, généreuse aussi, avec un mélange d’éternité. Et toi et moi joyeusement inaccessible, propre comme deux sous neufs. _ Comme elle ressemble… … à une belle journée d’ivresse traînant à la tombée du soir… _dans laquelle, main dans la main, nous allions … … à la manière d’une sensation ensoleillée venue de la nuit des temps … _ … sautillant comme dans un vieux film … nous allions… … souriant… _ d’un bon pas… … droit devant… … sur le versant le plus ensoleillé de nos vies… … heureux… … Hé ! Regarde un peu, c’est le moment ou tout s’obscurcit… _ … commencer par la fin a pas mal d’inconvénient … … s’obscurcit à la tombée d’un sacré soir. … Oh la belle fin de journée lumineusement obscure… _ Alors, fouillant au fin fond de tes poches tu trouves des allumettes _ Au fin fond de mes poches _ La chance quoi _ J’en craque une, puis une, puis une, puis… _ elles s’éteignent J ‘en craque une autre… Toi et moi, silencieux, amusés. _ Et l’obscurité sur le pied de guerre _ Elles s’éteignent. _ Les unes après les autres _ Ah oui, à la queue leu-leu _ Tu t’en souviens ! _ Oui. _ Elles s’enflamment, étincellent, se consument, brûlent nos doigts et s’éteignent. On en craque une autre, et une autre et une autre et il n’y en a plus. _ Tu parles d’une ambiance. _ Notre fameuse petite histoire devient fébrile, floue. _ Voilà qu’elle file au fin fond de l’horizon, emportant son butin bien à l’abri dans un sac en plastique. _ Et pour nous ? _ Pour nous, c’est être, tiens ! C’est comme être pris d’insomnie en plein terrain instable. _ Et… … Bon, en résumé Oui, résume un peu. _ Au début donc, il pleut, il ne pleut plus et entre la pluie et le beau temps il ne se passe rien. Voilà. _ Rien ? _ Rien. _ Genre vraiment rien ? _ Amorphe le truc. _ Et puis… juste après la pluie, tout s’allume et tout s’éteint, tout clignote. Tout est grandiose, féerique, incroyable, à des années-lumière, mais, en mode alternatif. Puis notre histoire devient un petit point rectangulaire au cœur d’un espace gluant, là où tout plane et tombe sans fin. Elle est irrésistible, lointaine, impertinente, universelle, brillante, alliant le geste à la parole dans un silence sans borne. Elle clignote. _ Qu’est-ce qu’elle est forte, regarde, elle comme elle clignote bien. _ C’est une aventurière. _ Elle s’éteint, s’allume, s’éteint, s’allume avec allant, remplie d’une bonne volonté. Elle s’éteint de nouveau, s’allume de nouveau et s’éteint de nouveau. Avec assez de recule on l’aperçoit de temps en temps tombante à l’infinie. Devenant une sorte de sommaire incompréhensible. Une amusante possibilité clignotante, d’accord, clignotante… _ Ça me fait penser que personne n’est parfait, c’est beau, … furtive, éphémère, calme, robuste, saccadée ; Elle ressemble de plus en plus à une corde à linge sur laquelle une série de torchons claque au vent comme autant d’instants lucides sur lesquels se reposent des oiseaux migrateurs regardant passer les nuages en sifflant contre le vent tout en chiant joyeusement sur la terre. C’est lumineux, en résumé, bien sûr, en résumé… Pas simple pour un début, pas du tout simple. _ Puis voilà qu’elle se fige à l’ombre d’un grand tilleul que je soupçonne être la résidence parfaite de mes nouveaux lendemains incertains. _ J’aime bien ce passage. _ Puis au fil du temps elle s’enroule. _ Il est pas un peu long ton résumé ? _ puis elle revient à la surface des choses les plus simples. _ Synthétise un max. _ Elle est là par intermittence. _ Dis tout en un mot par exemple. _ Elle revient, pareil à une vieilles promesses immobiles et désuètes qu’un bâtard renifle en aboyant. _ Qu’est-ce que tu racontes ? _ Elle clignote, je te dis, un poil essoufflée dès le début, elle clignote, discrètement, curieusement, touristiquement, d’un autre temps, comme un vieux monument aux morts au cœur d’une belle journée, si proche et si présente que pour un peu elle resterait à moitié engourdie au cœur de cette journée poussiéreuse, si palpable en souriant à l’avenir avec retard. Tu m’ennuies. Tu sais qu’Il y a des gens capables de juger une journée rien qu’en la palpant, sa douceur… sa robustesse… sa résistance… son épaisseur…. sa résonance… son timbre… sa tessiture… entre chien et loup… en contresens… les yeux fermés… les oreilles aux aguets… _ Tu sais peut-être pas mais t’es pas marrant. C’est toujours comme ça avec toi, cela devient un tas de mots sans aucun instant. C’est juste une histoire simple et tu en fais tout un fromage, t’es pas marrant. _ Hé, tu cales des mèches derrière tes oreilles, tu me parles, tu hausses les épaules, tu me pousses, ça m’entraîne, nous roulons dans l’herbe, nous faisons le tour de la terre, nous disparaissons au milieu d’herbes folles, reste le vent, les nuages, les torchons, les oiseaux siffleurs. _ Je me demande si elle a réellement besoin de nous maintenant, en la voyant comme ça, matinale, printanière, dans le vent. Si lointaine maintenant Va savoir ? _ Puis elle s’immobilise au moment où le tilleul glisse ses branches dans l’air instable de ce printemps un brin en retard, ressemblant à un géant aux mille reflets verts embourbé dans de la glu. _ Passage délicat. _ Tu m’attires, recherches quelque chose que tu trouves finalement ailleurs bien trop facilement. Que tu plantes. Qui devient de l’herbe folle, de la broussaille, un jeune arbre, puis un arbre centenaire, puis des planches de bois, puis une porte, une belle vieille porte de bois que tu ouvres d’un mouvement circulaire, une porte à l’arôme boisé. _ Je te dis « Allez va ! Passe par ici, tu gagnes un temps fou en passant par ici » et referme la porte. _ Tu me dis de courir dans un couloir sans fin. _ Cours, cours, cours, ah ah ah, je compte sur toi. _ Le film sautille, clignote. L’image s’allume, s’éteint, clignote, je cours. _ Je t’appelle « Antoine », « Antoine », « qu’est ce que tu fabriques », « tu vas bien ? », « tu as besoin d’aide ? », « que fais-tu ? ». _ Tu m’attends. _ Va par là. Tu gagnes un temps fou par là, je te dis. _ Ce n’est qu’un couloir sans fin. Il mène nulle part. _ Oui, mais c’est par là quand même et il y a un ascenseur au fond. _ Un ascenseur ? Bon j’y vais, à tout de suite. Maintenant, dans le couloir, un homme à la tête ronde avec un tas de questions circulaires au fond de son regard tubulaire arrive à l’instant. _ J’arrive à l’instant, dit-il. _ Vous cherchez quelque chose ? _ Non. _ Quelqu’un alors ? _ Oui, un type, Antoine. _ Antoine ? _ Oui. Tu l’as pas vu par hasard ? _ Antoine ? _ Oui, Antoine. Un mètre quatre-vingt, deux yeux, un nez, deux oreilles, les cheveux en brouillard. _ C’est moi. _ Dommage. Il traîne souvent ici à ce que l’on dit. Je vais bien finir par le voir, l’apercevoir, l’entrevoir. Il adore traîner dans ces couloirs tristes et sans fin avec ascenseur au fond. Maintenant, l’homme devient légèrement hors contexte, comme s’il y avait dans tout mécanisme : un avant : un après : sans autres précisions sur ce que cela implique : des parasites saturent son corps : des couleurs instables l’éclipse d’un bip électronique vaguement introverti : laissant son souvenir se débattre à l’intérieure d’une courte illusion froissée comme un vieux papier : Maintenant, la porte de l’ascenseur coulisse sans bruit, déclic cristallin, froissement métallique, lumière bleue salée. La porte cède le passage à un homme flambant neuf tenant un petit paquet, marchant sur le tapis épais du couloir sans fin. Puis, comme une machinerie implacable sortie d’un cauchemar, tout s’accélère, comme si un monstre affamé retrouvant la liberté par erreur, au milieu d’un désert rempli de visions kaléidoscopiques, rattrape le temps en dévorant l’après-tout sur son passage. _ T’as pas vu Antoine, par hasard ? demande-t-il les mains en porte-voix du fin fond du couloir sans fin.
D’ici dit-elle, il y a d’abord l’image floue et soudaine de ce paquet entre les mains de cet homme au fond de ce couloir triste et sans fin. Paquet enfermant peut-être un tas d’ébriété permanente relativement modeste, ou alors, de lointaines secondes d’un passé pourtant récent aussi claires que des rires de gosses. Enfermant peut-être d’autres choses. Des machins, des babioles, des trucs inutiles, des bidules manufacturés hors d’usage, sans importances, du vide à bon prix venu par avion.
D’ici, dit-elle la poussière projette l’histoire d’un homme à l’intérieur d’un film muet et sautillant. Il avance en sourdine à l’intérieur d’un couloir triste et sans fin un paquet sous le bras demandant où tu es.
D’ici, dit-il, il semble remonter le temps.
D’ici dit-elle il semble se battre contre l’imprévu, l’air devenant de l’eau par exemple. Il avance, recule, oui, recule et revient sur ses pas doté d’un entêtement proche du déséquilibre, il se bat contre des forces contraires et avance, se bat contre des forces secondaires écrasant la lumière à chaque instant, l’obligeant à traverser de brefs instants étourdis, avance de nouveau, reprend du terrain, saute de vide en vide, tient le paquet des deux mains. Trouvaille audacieuse, il manœuvre son corps à la manière de ces embarcations légères à fond plat sautant de vague en vague, approche comme un fantôme égaré. Pas mal joué. Se déporte sur la gauche, tout le monde l’applaudit, remonte le couloir, tout le monde retient son souffle, contourne l’invisible, tout le monde n’en revient pas, et dépose le paquet à deux pas de toi, tout le monde est soulagé.
T’as pas vu Antoine.
Antoine ?
_ Oui, Antoine !
_ Ben oui, je l’ai vu.
_ Où ?
_ Juste là.
_ Où ?
_ C’est moi.
_ Oui, bon, parlant comme si l’un se trouvait en pleine mer avec des hauts et des bas rarement vus et l’autre au bord d’un rivage plus lointain que jamais. L’homme phosphorescent hurle
_ j’ai trouvé ça là-bas pour lui. Si tu le croises, donne-le-lui.
_ Je suis Antoine, c’est moi.
_ T’occupes, donne-lui, c’est tout.
_ Écoute ce que dit cet homme, enfin ! Tu vois l’Antoine, tu lui donnes, hurle une jeune femme juste derrière lui, c’est pas compliqué non d’un chien. Fais ce qu’on te demande. Point barre. Tes parents-t-on bien mal éduqué.
_ Pour l’instant il n’est pas ici, explique un vieillard à bout de souffle, pour l’instant…
_ Il n’est pas là non plus ! Affirme une jeune femme aux cheveux blonds en regardant derrière elle les paupières closes.
_ Où est-il ? Demande un homme en rangeant ses lunettes de soleil.
_ Paraît qu’on l’a vu pas plus tard qu’hier, répond un édenté au sourire complexe. Est-il ici où n’y est-il plus ?
_ Ici ? Aucun danger, ailleurs sûrement, mais ici, pas l’ombre d’une chance affirme une jeune femme en robe. Je n’ai pas bougé, pour ainsi dire, enfin pratiquement pas, juste failli, pas plus.
_ Personne n’a vu l’Antoine ? Demande une femme aux seins lourds. J’ai trop de lait, j’ai trop de lait !
_ Je m’appelle Antoine.
_ Tu le connais, peut-être ?
_ Antoine ! Antoine ! Antoine ! Antoine ! Hurle un jeune couple en cœur, les yeux dans les yeux. Antoine ! Antoine ! T’es où ?
_ Attends, dit la fille, ils l’ont peut-être vu.
_ Vous l’avez pas vu, demande un homme en complet veston à personne en particulier.
_ Mais, c’est ma question, monsieur, rendez là moi, je voulais l’utiliser.
_ Ma question, ma question ! Les jeunes sont bizarres de nos jours.
_ Qu’est-ce que vous en pensez, vous, qui venez d’arriver dans le coin ?
_ J’arrive pas, ch’ui né ici, dit Antoine.
_ Tu veux qu’on gobe cela, l’ami, n’importe quoi, dans un couloir triste et sans fin avec un ascenseur dans le fond.
_ Ici, avant il y avait une cage d’escalier, se souvient la jeune fille aux cheveux rouge, avant il y avait un croisement, avant une écurie, avant une déchetterie, avant une tranchée de la Première Guerre mondiale, avant un campement nomade, avant un cours d’eau, avant de la
poussière lumineuse flottant dans un univers clignotant. Mais ça remonte à loin là, très loin même.
_ Bon, personne n’a l’a vu par hasard ?
_ Je suis là.
_ Te fatigue pas l’ami.
_ Tu ne l’as pas vu, t’es sûr !
Antoine regarde dans la salle de cinéma où est assise la jeune fille. Elle se lève, marche vers l’écran. Antoine se dirige vers elle.
_ Je vais être en retard. Tu m’attends toujours !
_ J’attends, j’attends, mais grouille-toi, c’est bientôt le générique de fin.
_ Déjà ! Pourtant d’ici cela ressemble à une histoire sans fin.
_ D’ici, elle est plutôt un peu longuette tu vois.
_ Elle peut pas finir maintenant.
_ Pourquoi ?
_ Ch’ai pas trop, dans le fond. T’as raison. Tu pas le programme ?
_ Si, bien sûr, attends.
Elle fouille dans ses poches.
_ Tiens, voilà, regarde, tu meurs à la fin.
_ Je meurs ? T’es certaine ? Tu ne te trompes pas de film.
_ Non regarde, l’autre c’est de la science-fiction.
_ Je meurs comment ?
_ Oh, c’est simple, je te tue ; regarde, comme ça.
Elle sort un flingue, vise Antoine, tire deux fois en fermant les yeux, puis ouvre un œil en tenant toujours le flingue à bout de bras.
_ Tu n’es pas mort ?
_ Je crois pas, j’ai rien senti en tout cas.
_ Pourtant y’a deux trous, juste là sur l’écran.
_ Ouais, mais moi, je n’ai rien, il est pas marrant ton film. C’est la dernière fois que tu le choisis. Quelle idée de commencer par la fin ?
_ Hé, tu vas pas me faire une grise parce que je ne t’ai pas tué du premier coup !
_ Écoute, c’est écrit dans le programme, en grosses lettres. Tu me tues !
_ Ouais bon, c’est juste un film.
Elle plante une graine, une porte se pousse, Antoine l’ouvre et la referme.
_ T’es où ?
_ Là devant toi.
_ Ben qu’est-ce que tu fais ?
_ Je regarde un film sautillant dans l’obscurité.
_ Et le type avec qui tu es venu ?
_ Celui qui raconte une histoire qui clignote en tombant dans l’infini.
_ Oui
_ C’était un figurant.
_ T’as rien d’autre à faire ?
_ Mais c’est pour le film, pour qu’il ait bonne haleine, qu’il tienne la route, file comme un courant d’air du début à la fin. Tu vois l’importance du figurant ?
_ Bon et alors ? Y’a pas un autre film par hasard ?
_ Si bien sûr, le voilà, imagine un instant, rien qu’un instant, imagine, nous sommes deux mondes éloignés, tu vois, même pas parallèles, juste chacun dans son coin. Il y a le tien, il y a le mien, depuis le début, et, c’est là que cela devient étrange, nous voulons, va comprendre
pourquoi, nous contacter, l’un et l’autre, se connaître. Imagine, nos messages arriveront bien après notre mort, comme de vieux fantômes.
_ T’inventes pas un peu par hasard ?
_ Donc en résumé, nos phrases traversent l’univers et se croisent.
_ ça finit comme cela.
_ Oui
_ Fais voir le programme.
_ Exact ! ça finit comme cela : tu demandes le programme.
_ Ben dit donc.
_ Mais tout de même, à un moment, nos phrases clignotent, l’univers voyage, hein, j’insiste, il voyage et elles clignotent et se croisent.
_ Oui oui, c’est cela, c’est cela, il voyage et elles clignotent et elles se croisent.
_ Remarque c’est pas dans le programme.
_ C’est bien elle alors, c’est notre histoire, c’est tout elle. Elle n’arrive jamais à finir cette fameuse histoire.
_ Y’a toujours un truc nouveau.
_ Dis-moi, qu’est ce qu’il pouvait bien contenir le paquet dans le couloir sans fin, t’as une idée ?
_ Aucune.
_ J’irai bien le revoir ce film.
_ Je suis juste venu prendre un café.
_ Bon alors à la prochaine.