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Mon cher Dàrio…

Au lendemain de ce que qu’on sait tous à propos de la soirée du 13 novembre, et ne pouvant te voir pour te dire combien le monde et ses occupants me révulsent, je t’écris, comme à l’époque, où l’on aimait les belles lettres, la vie simple et où il nous était encore permis toutes les rêveries…

Mais je dois t’avouer, qu’au niveau du rêve, j’ai plus grand chose à me mettre sous la dent tant la réalité du monde est brutale. Je n’ai pas besoin de mettre un drapeau sur ma photo de profil, je n’ai pas besoin de pleurer, je ne suis plus étonné, j’ai presque l’impression que plus rien ne m’atteint. Encore une fois, je me retrouve à part et sans le vouloir. Peut-être que trop voir des gens sincèrement secoués par ce genre de carnages me fait prendre conscience que les français sont vraiment naïfs, ce qui m’exaspère encore plus. Et je ne dis pas ça parce que j’étais à 400 kilomètres du drame ou que je n’ai perdu personne dans cette tempête d’ignorance et de sang, non, je dis ça simplement parce que je n’ai jamais cru ou espéré, qu’il restait encore quelque chose de bon en l’âme humaine. Les hommes sont les êtres vivants les plus affutés en ce qui concerne la mémoire, et pourtant ils sont comme des chiens, à qui on collerait des branlées, sans que ça les empêchent de nous faire la fête au retour du travail.

Je vais pas faire de cours d’histoire, ça me saoule trop, mais tout le monde aurait du savoir que ça allait arriver, et que ce n’est que le début. Et par-dessus le marché, on leur demande de ne pas avoir peur, et de continuer leur vie comme avant. Comment vouloir qu’ils n’aient pas peur quand ils comprennent que ceux pour qui ils ont voté, non contents de les enculer à longueur d’année à coup de taxes et de lois liberticides, ne sont même pas capable d’assurer leur sécurité…Pourtant, ils la méritent la sécurité, dociles comme ils sont, nos élites pourraient au moins leur lâcher ça, le droit de vivre, le dos courbé certes, mais putain, le droit d’aller au troquet, voir des millionnaires jouer à la balle ou assister à un concert sans finir la soirée à pisser leur bière par les quatre trous qu’ils ont dans le dos…

C’est peut-être un deuxième effet kiss-cool qui pourrait arriver, d’abord les cols blancs qui se rendent compte qu’ils sont dans une merde noire, et ensuite ceux à qui ils demande de rester debout qui se retourneraient contre leurs maîtres, en se rendant compte qu’en plus de bosser, payer et fermer leur mouille, ils ne sont même plus sûrs de survivre à un mojito en terrasse. Ce serait fâcheux pour certains, mais vindieu, voilà ce qui me redonnerais foi en mes congénères. Mais je ne rêve plus, je te le redis.

Non, je me dis que ça va aller, passé l’émotion, l’existence reprendra le peu de droits qu’il lui reste, avec en plus, la suspicion permanente et la kalach de Damoclès au dessus de la tête. On traverse une vraie époque de merde, et je me dis que j’aurais du naître à une autre période, ou pourquoi pas, ne pas naître du tout.

Voilà Dàrio, l’humeur du moment, et tu n’imagines pas combien nos brainstormings avinés me manquent. Je ne sais plus comment assainir mon cerveau calciné débordant de pensées amères, je n’écris plus ou très peu, je n’ai plus envie de me détruire comme j’aimais tant le faire, j’ai perdu le goût du coma. Et comme expliqué en préambule,la raison première de cette missive, c’est de partager avec toi, comme avant, cette mélancolie intense et implacable.

« Comme un chevalier sans ordre ni combat

J’erre sur le dos d’une monture famélique

Traversant ce monde qui n’est pas fait pour moi

Chevauchant vers la fin, hagard et mélancolique. »

Bien à toi, espérant une prochaine rencontre, si furtive soit-elle.

Ertzin.

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