Archives pour la catégorie Arts de scène

Sans droit ni titre… (par Morgan Richard)

LYON, il y a quelques mois, année 2013… sur le sujet des squats par Morgan Richard, depuis son Brésil adopté depuis…

RMI’z vous invite aussi à relire son article La Guerre Ontologique…

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Assis sur le toit, la nuit. Un pétard de beuh tourne, son odeur piquante se mêle aux vents qui planent sur la ville. Les premières salves retentissent sur la colline de Fourvière, juste en face de la maison. On croirait une guerre. Nous sommes installés là, aux meilleurs loges, rats urbains qui avons oublié d’acheter notre ticket d’entrée pour le spectacle. Les figures pyrotechniques se succèdent, et nous rions, émerveillés comme des enfants pas sages, bien sûr pas très en phase avec les raisons de la fête, mais ayant une grande avidité du feu qui boit le ciel.

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Pour moi, qui me trémousse, fait des blagues, des galipettes, agité d’une excitation de fou furieux, de gamin de six ans, ce n’est pas le quatorze juillet. C’est un spectacle donné pour nous seuls, et la ville n’existe plus. Dans un mois, je serai parti, à l’autre bout du monde, mais pour l’instant, la ville n’existe plus, il n’y a que nous, détraqués heureux, clochards célestes, et Fourvière la bourgeoise qui pour une fois nous fait l’honneur de son amour, de nous bénir d’un océan de flammes liquides.

D’autres souvenirs affleurent à la surface, en cascade. Ces geeks fous installés dans le grenier poussiéreux, et on se serait cru soixante ans plus tôt, en plein territoire occupé, une bande de guerrieros distillant un message d’espoir et de résistance sur toute les ondes hertziennes. IMG_2374Ce soir là, c’était radio pirate. Une table, un dj et des vieux sons acid-house, un océan incompréhensible de fils, de transmetteurs, compresseurs, tables de mixages, une chaleur suffocante, dégoulinante de sueur et de fébrilité et tous ces inconnus à frontales, à masques de mickey, à sourires endiablés de conspirateurs qui vont et viennent dans cet espace habituellement vide. Chacun sait que là dehors, dans la ville, une armée de mutant se ballade, un poste à la main, branchés sur la même fréquence, connectés à la même fête, illégale et éphémère, qui du grenier se propageait dans le réseau tentaculaire de Lyon la bourgeoise.IMG_2341

Ou bien ce groupe de grindcore, venu tout droit d’ex Yougoslavie dans leurs camions déglingués pour venir jouer la musique du diable. Et nous, doucement, branleurs et haschischins, qui avions confondu les dates, oublié qu’ils devaient débarquer cette nuit là, pour faire un concert le lendemain. 

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Alors, on a collé des affiches, fait tourner des listes de sms et de mails, et puis le soir venu, ils ont profané la chapelle de la maison, injurié le christ sculpté sur l’autel en marbre, vexé la mémoire de tous ces collégiens, qui jadis, étaient venus prier ici avec toute la dévotion de leurs tendres âmes à coup de guitare électrique et de chorus gutturaux, et il planait dans ce lieu saint un sentiment animiste de terreur sacrée. Au milieu de tout ça ce mec, qui avait pris une drogue non identifiée, s’était couvert le corps de peinture couleur merde et se jetait de toutes ses forces contre les murs en hurlant.

IMG_2372Souvenirs brumeux de fêtes, nombreuses fêtes. Ce groupe tzigane rencontré aux Saintes-Marie-De-La-Mer installé dans la cour, violons, guitare, accordéons, les chansons des Balkans, des Carpates, les filles avinées aux sourires plein d’étoiles, les notes qui glissent, les notes qui grincent, les notes qui font pleurer, qui font rire, danser.

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Cette même soirée, avoir ouvert le Bucarest Bar, le tripot le plus clandestin de la ville, dans une sorte de cave, avec ces barres à mines rouillées pour toit, tout le monde ivre mort, mixer de la musique bien shukar, du son des fils et filles du vent jusqu’à huit heures du matin, les caissons saturés, bien crades, bien grind, et tout le monde qui rigole.

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La maison avait plusieurs identités, incarnations de ceux qui l’habitaient, de ceux qui, sans y vivre, se l’accaparaient. Politiques, écolos, hippies, punks, artistes, un magma d’étiquettes en fusion qui tourne et tourne jusque brouiller complètement toute possibilité d’une quelconque identité fixe.
Ces groupuscules d’extrême gauche qui trainaient tout le temps là, à peindre des banderoles de quatre mètres sur quatre, à organiser des réunions semi anonymes pour préparer une nouvelle action, faire trembler la ville, saboter, gueuler, manifester, venir en aide au copains tombés sous les fers de la répressions, aux roms et aux « sans paps ». Tout ça, avec le sérieux de la révolution, de cette révolution qui sait rire aux éclats et faire tourner des bouteilles de rouges, qui connait la valeur de la moquerie, de ce militantisme qui, bien qu’écrasé par la grisaille de dehors, n’a pas oublié qu’un jour on avait huit ans, et que, plus que de changer le monde, on adorait foutre la merde.

 

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Là-dessus une armée de grapheurs, occupée à badigeonner les murs de phrases obscènes, de gribouillis d’initiés ou de fresques trans-dimensionnelles qui creusaient des brèches dans le béton pour y faire éclore des fleurs aérosols, des créatures Lovecraftiennes ou des images de poésies rebelles. Ils y en avaient à la maison qui gueulaient, mais moi, j’étais d accord avec cette phrase écrite dans les toilettes: « murs blancs, squatteurs muets ».IMG_2376

Le salon devenait une étape pour les traveller’s du monde entier prêts à déverser l’histoire des routes, des autres villes, et on était bien, à partager avec eux, tellement loin de la solitude générale qui fait baisser les yeux des passants dans la rue.

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Tellement plein de la douceur de tout ces amis là autour, la tendresse de ces enfants qui trottinent au milieu du chaos. Les bourgeois les juges et les flics pensaient que décidément, ce n’était pas un lieu sain pour que grandisse un gamin, mais ils avaient quarante parents, quarante confidents et compagnons de jeu. Et puis,  face à la misère , il n’y a pas de choix à faire. Il n’y a que la guerre, vivre ou mourir, le squat ou sous un pont.IMG_2378 On s’accapare , on prend ce qui de tout temps nous a toujours appartenu, la ville, notre ville. On se rend compte à quel point on est fort, à quarante, assez fort pour faire barrage a la violence de la rue , là dehors, et vivre de sourires et de mauvais vin, assez fort pour donner corps à n’importe quelle idée, organiser un festival d’une semaine en un mois de temps et sans budget, avec comme cerise sur le gâteau une réquisition de hangar en plein centre qui terrorisera la ville pendant un semestre avec d’énormes fêtes teknos ou comme le disaient les Spi, « la musique est le message ».

Cette expérience est un processus de transformation, qui tend à déconstruire un certain nombre de valeurs encrées bien profondément en nous, protégées par le flic de l’intérieur.

Le rapport de force initiatique avec la police est par exemple un apprentissage à la rébellion, l’acquisition libératrice du pouvoir de dire « non, je n’ouvrirai pas la porte, allez vous faire foutre, revenez demain ». Cette attitude face à l’autorité fait l’effet d’une bombe, détruit tout un apprentissage que l’on trimballe depuis la naissance, à toujours marcher dans les bornes, à baisser la tête et à dire « oui monsieur, bien monsieur, avec plaisir monsieur et je peux même vous lécher les bottes ». Cette épreuve du feu, après être arrivé récemment dans un lieu vide, d’avoir les condés à la porte qui veulent entrer, qui menacent, qui cajolent, qui s’énervent, et depuis la fenêtre savourer toute la beauté de ce refus total et effronté.

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On apprend, on tente d’apprendre à respecter l’autre dans sa différence, à pouvoir vivre avec une altérité que l’on se met à aimer, à ne pas discriminer les sexes, les orientations sexuelles ou les parcours de vies, et en même temps à savoir gueuler, à ne pas garder les choses pour soi, être impoli, dire merde, casser un truc pour que les tensions circulent un bon coup et se dissipent. Je me souviens qu’à La Vieille Valette, cette communauté punk du sud de la France, j’assistais un soir à une embrouille avinée qui avait pour conséquence la destruction systématique de toutes les tables et chaises de la cuisine. Alors que je regardais cela , passablement médusé, un habitué du coin s’est approché de moi et m’a dit, « tu vois ce que j aime ici c’est qu’ils reconstruisent pendant le jour ce qu’ils détruisent la nuit ». Économie et politique incompréhensible au sein du monde des mous.

11303654_1085248498155149_883143626_nIl s agit d’être acteur, créateur de son terrain de jeu local. De son propre pouvoir créatif, à passer des nuits fébriles à peindre entre copains. De son propre réseau de solidarité, informel, où personne ne laisse personne tomber, où l’on connait des gens pour prêter du matos son, pour réparer des vélos, pour partager des tranches de rires, où l’on organise des concerts qui serviront à récolter de l’argent et payer l’avocat d’un pote qui risque la zonz.

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Mais la vie en squat, c’est surtout l’intensité. Bonheur, désespoir, violence, rire fou et poings qui se serrent, tout ceci à quatre cent à l’heure. Tout peut toujours arriver, et tout arrive. Gérer son pote en pleine décompensation psychotique, les flics qui veulent lui tomber dessus et sa mère qui pleure, tout ça dans les cris et la peur. IMG_2353Gaz lacrymogène, tout le monde qui coure dans tout les sens, les poumons qui brulent, et la police qui ricane à la porte. Mais aussi organiser des repas pour cent personnes, tous les dimanches, voir arriver des étudiants, des punks et des familles pour se réunir autour d’une bouffe de récup’, être là à échanger, à discuter jusqu’à tard le soir. Je suis tombé amoureux de cette vie là, totalement accro à cette démesure, à ne pas savoir qui va frapper à la porte dans une heure, et s’il m’apporte une bombe ou des fleurs. IMG_2347Désormais incapable de me satisfaire d’un pauvre petit studio, d’une vie morne et planifiée, de me passer de la compagnie d’une communauté de chiens sauvages, et de leurs idées lumineuses et délirantes, comme d’envahir la Fnac un samedi après-midi pour lécher les écrans de télés déguisé en prêtre, bénir les consommateurs et hystériquement hurler notre amour du capitalisme.

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Je me sens tellement plein de toutes ces tranches de vie, tellement surchargé de puissance.  Je pense à mes frères, tous ces anarchistes, ces RMIstes, ces clowns, ces punks, ces schyzos, ces drogués et ces pédés, et je suis fier d’appartenir à ce même peuple, fier d’être un rat des villes et que ma vie se trace au fur et à mesure, pur champs d’expérimentations, pur laboratoire urbain , où l’amour bat en pulsations funks dans des maisons en ruines.

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Les photos couleurs de l’article sont signées Màxim Pozor, à Lyon en 2010…
Les photos noires et blanches sont proposées par Romain Costaseca, à Lyon en 2013.
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Le Théâtre du Peuple et le Théâtre du Jorat à l’épreuve du théâtre populaire (par C. Rambaud)

 


Le Théâtre du Peuple et le Théâtre du Jorat

à l’épreuve du théâtre populaire


par Carole Rambaud

Professeure certifiéé en Lettres modernes

et doctorante en Littérature française et comparée


               En 1897, dans le petit village vosgien de Bussang, surgit le Théâtre du Peuple de Maurice Pottecher. Treize ans plus tard, en 1908, c’est le Théâtre du Jorat qui ouvre en Suisse, aux portes de Lausanne, dans la petite bourgade rurale de Mézières, sous l’impulsion de son créateur René Morax. De façon commode, les deux scènes sont affiliées depuis leur création au théâtre populaire par leurs propres fondateurs comme par la réception. Or, la notion de populaire et a fortiori de théâtre populaire présente un manque de fermeté conceptuelle, et par là produit un flou dérangeant. Joël Aguet, spécialiste du théâtre suisse romand, propose une définition tricéphale de ce qu’est le théâtre populaire :

« Un théâtre peut être qualifié de populaire pour au moins trois raisons. Premièrement, parce qu’il représente et met en scène des gens du peuple. Deuxièmement, parce qu’il est fait pour le peuple et vise à obtenir la plus large audience. Troisièmement, parce qu’il implique la participation de la population »[1].

Le Théâtre du Peuple à sa fondation

Le Théâtre du Peuple à sa fondation

 Les scènes de Bussang et de Mézières s’inscrivent-elles réellement dans le cadre  du populaire et si c’est bel et ben le cas, dans quelle mesure ? La question peut sembler bien naïve, tant ces projets semblent ancrés dans une esthétique globale éminemment populaire. Il sera donc d’abord question de cerner les similitudes ancrant ces deux théâtres dans un fonctionnement articulé autour du populaire, en soulignant l’aspect marginal commun aux deux scènes, avant de proposer un rapide panorama du répertoire des deux dramaturges. Enfin, il s’agira d’étudier la place particulière de ces derniers dans le cercle de chacun des théâtres, point sensible s’il en est, car révélateur de certaines failles qu’il nous faudra pointer.


Deux scènes en marge

 

               Ce que partagent de prime abord les Théâtre du Peuple et Théâtre du Jorat sont cette place en marge d’un courant principal du théâtre à l’aube du XIXe siècle. Refusant le vaudeville et les autres formes de théâtre bourgeois qui rencontrent pourtant un grand succès public notamment à Paris, Pottecher et Morax vont former une alternative avec ce qu’ils considèrent comme étant un théâtre commercial. Ainsi Maurice Pottecher écrit-il en 1899 :

Rien d’étonnant à ce que, s’adressant à cette clientèle restreinte, à qui ses habitudes tiennent lieu de plaisir et ses préjugés de traditions, le théâtre tende à devenir de plus en plus un article de commerce, adapté, par des faiseurs habiles au goût et à la mode du jour, au lieu de rester la création vivante, originale et libre de l’esprit, voulant toucher et persuader l’esprit[2].

Le refus du caractère commercial du théâtre parisien bourgeois est donc l’une des raisons qui poussent Pottecher à établir un théâtre populaire. De la même façon René Morax voit dans la création du Théâtre du Jorat l’occasion de proposer un théâtre tout à la fois nouveau, populaire et exigeant comme il le souligne dans un entretien avec son ami et ancien collaborateur Stéphane Audel :

(…) j’ai toujours eu l’intention d’écrire pour le théâtre, parce qu’il semblait que sa place était vide dans la littérature de la Suisse. J’avais commencé par avoir, comme tous les enfants, un théâtre de marionnettes ; et plus tard, comme étudiant, le goût du théâtre s’est développé en moi. Mais il me semblait qu’il était nécessaire d’avoir, pour la réalisation d’un nouvel art en Suisse, une scène indépendante, une scène libre où l’on puisse se manifester à son gré[3].

Intérieur du Théâtre du Jorat

Un autre facteur central est celui de la décentralisation. Maurice Pottecher opte pour son petit village natal, plutôt que pour Épinal, la capitale régionale ou Paris qu’il fréquente pourtant. Il s’agit pour lui de faire entrer l’art théâtral là où ne le trouve pas habituellement et de le rendre compréhensible et appréciable par tous, ce dernier point trouvant notamment sa réalisation dans l’appel à l’amateurisme sur lequel je reviendrai plus tard. Morax procède de même en choisissant un lieu excentré de Lausanne, lieu qui dispose déjà d’une vie théâtrale dynamique bien que traditionnelle. Après avoir infructueusement tenté d’implanter son théâtre dans sa ville natale de Morges, il opte pour la petite commune de Mézières. L’arrivée de scènes de théâtre dans de petits villages ruraux ne doit pourtant pas défigurer l’aspect rustique des lieux. Pour les deux cas, une architecture extérieure rustique, faisant la part belle au bois et rappelant les proportions d’une ferme ou d’une grande grange, est choisie. L’intérieur des salles, quant à lui, permet à tout spectateur de profiter pleinement de ce qui se joue sur scène, reprenant le principe des théâtres grecs antiques. Morax évoque même le théâtre grec d’Épidaure comme modèle :

Épidaure est une merveille, surtout au point de vue acoustique. Cela nous avait donné l’idée d’adopter cette même disposition qui permet au spectateur d’avoir de toutes les places une vue complète de la scène[4].

Une structure similaire avait été choisie pour Bussang dès 1899.


Répertoire : protagonistes et langue dramatique

 

La première condition d’un théâtre populaire formulée par Joël Aguet concernait la représentation et la mise en scène des gens du peuple. Cette condition se trouve respectée par le Théâtre du Peuple ainsi que par le Théâtre du Jorat, du moins à l’époque où les pièces de leurs fondateurs respectifs étaient jouées. Les personnages issus du peuple sont omniprésents dans le répertoire pottecherien aussi bien que moraxien, comme en attestent ces tableaux :

Pottecher – Pièces créées pour le Théâtre du Peuple de Bussang

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Morax – Pièces créées pour le Théâtre du Jorat de Mézières

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Les personnages représentés issus du peuple forment donc la majorité des protagonistes chez Pottecher comme chez Morax (env. 62% chez Pottecher et env. 46% chez Morax). Il n’en reste pas moins que les autres types de protagonistes peuvent eux aussi prétendre au qualificatif de populaire, dans une acception qui n’est pas donnée par Joël Aguet : les personnages légendaires et les personnages historiques (certains cumulant les deux) font partie de l’imaginaire collectif populaire et, à ce titre, sont tout aussi valides que les paysans, bûcherons et autres vignerons qui apparaissent dans la plupart des pièces.

La langue dramatique atteste elle aussi d’une « popularisation » : le vers est utilisé de façon récurrente dans les pièces de Pottecher et Morax, bien qu’il reste minoritaire. Plus intéressant encore, on observe de part et d’autre un effort d’assouplissement du vers si bien qu’il devient méconnaissable à l’oreille même pour le spectateur éduqué le plus attentif. L’exemple le plus frappant de tout notre corpus est sans nul doute celui du Château de Hans de Pottecher datant de 1908 :

Hermann

Est-ce qu’il branle ?

Mathias

                                                                          Encore un coup de hache ou deux

Hermann, frappant

Hang ! Hang !

Mathias

                                             Ça vient !

                                                                          (Au bûcheron.)

                                                                          À nous deux, là ! Tire en mesure.

(marquant le rythme)

Hé, ho ! Hé, ho !

Hermann

                                                                          Voilà qu’il craque : attention !

Écartez-vous bon, sang !

                                                                                                       (L’arbre tombe.)

Mathias, qui s’est mis de côté d’un bon avec l’autre bûcheron, criant :

                                                                          Va bien !

(Se rapprochant et examinant l’arbre.)

                                                                                         C’est une pièce.

 

Cet extrait est issu de l’ouverture de la pièce, il s’agit donc des tout premiers vers. L’éclatement est manifeste, allant jusqu’à répartir inégalement le vers sur trois répliques ou jusqu’à compter métriquement les successions d’onomatopées.

Chaque élément constitutif des pièces est un enjeu de l’esthétique populaire, qu’il s’agisse de la nature même des personnages ou de la langue employée. Bien évidemment, le répertoire présente une richesse de preuves de cette esthétique populaire très importante, et nous n’avons pu ici qu’en présenter une portion particulièrement congrue.

 


 

Place et aura des fondateurs

 

Maurice Pottecher (1895)

Maurice Pottecher (1895)

               Dans ces projets apparemment si semblables de scènes populaires, quelle est la place de leurs fondateurs ? C’est ce point qui semble le plus en décalage avec le souci d’une esthétique populaire globale. À Bussang, la figure tutélaire reste Maurice Pottecher, jeune bourgeois lettré, le créateur du Théâtre du Peuple, celui que les villageois vont jusqu’à appeler « Le Padre ». Son épouse, Georgette Camée, issue de la scène symboliste est quant à elle surnommée « Tante Camm’ ». Si ces sobriquets renvoient à l’idée d’une famille, il n’en reste pas moins qu’elle établit une hiérarchie entre une élite sociale et culturelle d’une part et les simples villageois bussenets d’autre part. Le Théâtre du Peuple est avant toute chose le Théâtre de Maurice Pottecher, ce que présageait déjà la préface de sa première pièce Le Diable marchand de goutte dans laquelle Pottecher se présentait comme l’homme de théâtre absolu :

Comme nous, en ne craignant pas de s’improviser acteur régisseur, architecte, peintre… et même terrassier, il finira par découvrir une solution convenable à des problèmes de construction, de décoration, d’acoustique et d’économie pratique qui nous avaient d’abord troublé. Il groupera à son appel des gens de bonne volonté – il s’en trouve partout – qui n’attendent qu’une parole convaincue pour se laisser convaincre et se mettre à l’action. Il s’assurera un concours matériel et moral chez ceux qu’il aura su persuader de l’utilité ou de la beauté de son œuvre.

Cette place particulière trouve sa dernière concrétisation dans le choix des époux Pottecher d’être enterrés dans le jardin du théâtre. On relève donc une ambiguïté voire une contradiction entre les velléités universalistes, fraternelles de Maurice Pottecher et sa réalisation fortement pyramidale qui le place en figure de proue, plongeant le peuple dans l’anonymat de la foule.

Du côté de Morax, un constat similaire s’établit : on retrouve cette double tension contradictoire entre le souhait d’un théâtre fédérateur de qualité et l’ascendant bourgeois de son créateur. Avant de donner naissance au Théâtre du Jorat, Morax a créé des spectacles pour des fêtes populaires et notamment pour la Fête des Vignerons de Vevey en 1905. Cette implication dans la culture populaire témoigne bien de l’attachement premier de Morax à un art populaire, la formule étant prononcée par le dramaturge dans ses entretiens avec Stéphane Audel en 1963 : « (…) j’ai saisi avec joie cette occasion de faire une première tentative d’art populaire ».

               Or, dans ce même entretien Morax avoue que le premier motif de faire jouer des amateurs au Jorat ne relève pas uniquement de l’esthétique populaire, mais bien de contraintes financières :

« La première raison est économique. (…) Nous avons toujours eu des subsides extrêmement restreints, des budgets très serrés. Il fallait faire quelque fois son poing dans sa poche ; il fallait prendre les forces que nous avions sous la main, n’est-ce pas ?[7] »

Ainsi, il faut se garder de toute idéalisation au regard du projet d’art populaire qui anime les deux expériences. Certes, il s’agit bel et bien d’un parti pris artistique voire idéologique, mais ce choix n’est pas sans présenter de considérable avantages économiques. Le lancement des deux théâtres a été difficile, et notamment pour Morax, qui ne disposait pas de l’appui d’un industriel membre de sa famille comme Pottecher. La question de l’amateurisme et de la gratuité de leur activité ne constituait pas, pour le dramaturge vaudois, un détail minime.

               Au-delà des pures considérations économiques et esthétiques, on note chez Morax la même tentation paternaliste notée plus haut chez le couple Pottecher. René Morax, issu de la bourgeoisie morgienne, revendique son statut d’initiateur, de créateur, voire de chef, aidé par son second. Là où Tante Camm’ assumait ce rôle auprès de son époux, Jean Morax va épauler son frère. Peintre, il va pour lui créer les décors et les costumes de la grande majorité de ses pièces. On ne peut s’empêcher de noter que, dans chaque cas, il s’agit d’un duo issue de la classe bourgeoise, éduqué, fréquentant ou ayant fréquenté les cercles artistiques de leur temps, qui mènent la danse de ces théâtres « populaires ». Paradoxe que l’on peine à éclairer si l’on reste dans une vision absolutiste de cet adjectif qu’est populaire. Imaginant le peuple comme foule[8], le quidam conçoit spontanément le théâtre populaire comme théâtre communautaire[9] induisant forcément une création participative, à mille mains, pour donner vie à un art issu des entrailles de l’humanité, sans distinction de classe ou de sexe. Or, le théâtre de Bussang et de Mézières se comprend comme populaire dans sa réalisation festive, en tant qu’évènement fédérateur et non pas comme création universelle et anonyme.

              À ce titre, les deux scènes correspondent bien aux trois prérogatives énoncées par Aguet au début de ces lignes, si l’on veut bien accepter que la participation du peuple intervient davantage dans la construction matérielle et la présence physique, que dans l’élaboration artistique. Cependant, il ne faut pas oublier que l’art théâtral présente un enjeu double, dans l’écriture, l’élaboration littéraire, mais (surtout ?) dans le jeu scénique. C’est ce double statut qui permet aux acteurs amateurs d’entrer dans la création : par leur jeu, il s’approprie un art par ailleurs monopolisé et gardé par le fondateur du théâtre et les siens. Aussi, Le Théâtre du Peuple et le Théâtre du Jorat méritent-ils leur étiquette de théâtre populaire, sans pour autant qu’il faille les penser comme des théâtres absolument participatifs laissant toute latitude aux paysans vosgiens et vaudois.

Il faut cependant prendre garde à ne pas juger trop vite ces projets à l’aune de notre modernité déformante : en leur temps, ils ont constitué de formidables expériences novatrices qui ont marqué durablement le monde du théâtre, et dont Jean Vilar, créateur du Festival d’Avignon, ou les TNP de France ne renient pas l’héritage.

Scène de Bussang avec fond amovible

Scène de Bussang avec fond amovible


 

[1] « Évolution du théâtre populaire et du théâtre amateur en Suisse romande ces vingt-cinq dernières années » in Cahiers de l’Alliance culturelle romande, n°34, octobre 1987, p. 114.

[2] Pottecher, Maurice, Le Théâtre du Peuple – Renaissance et destinée du théâtre populaire, Paris, Ollendorf, 1899, p. 227-228.

[3] Audel, Stéphane (souvenirs recueillis par), Le Théâtre du Jorat et René Morax, Lausanne, éditions Rencontre, 1963, p. 13.

[4] Ibid., p. 24.

[5] Pottecher, Maurice, préface du Diable Marchand de Goutte, Paris, Geisler éditeur, 1895, p. VI.

[6] Audel, Stéphane (souvenirs recueillis par), Le Théâtre du Jorat et René Morax, Lausanne, éditions Rencontre, 1963, p. 13.

[7] Ibid., p. 16.

[8] A l’instar de ce que fera, plus précisément et dans une perspective artistique ferme, Firmin Gémier dans la gestion du Théâtre National Populaire (TNP) de Paris en 1920.

[9] Ce qu’il est, la communauté se construisant autour des créateurs et de leurs seconds.

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Bror Gunnar Jansson. Nationalité : suédoise. Profession : homme-orchestre. (Par Batiste)

Article créé par Batiste et retranscrit par Dàrio, d’après une rencontre commune.

 

 

Il avait un premier album au compteur et cela faisait des années qu’il tournait en Suède, son pays d’origine… En 2014, Bror Gunnar Jansson a profité de la sortie de son nouveau disque, Moan Snake Moan, pour faire ses valises et prendre le large, direction la France. Après une première tournée qui a duré tout l’automne, le musicien suédois va reprendre les concerts en février prochain, avec entre autres une date parisienne.

 

Son style musical, c’est le blues. Un blues qu’il pratique seul : sur scène, Bror Gunnar Jansson ne peut compter que sur sa guitare, ses éléments de batterie et ses cordes vocales. Son répertoire est plutôt varié, alternant des boogies frénétiques et rugueux qui font taper du pied, des ballades plaintives, une valse psychédélique… Bror Gunnar Jansson n’est pas un excellent guitariste, mais il lui suffit de quelques notes pour transporter le public dans son univers, signe que l’on a affaire à un véritable artiste. Sa voix, reconnaissable entre mille, contribue à ce que ses prestations laissent peu de monde indifférent. Il serait sans doute exagéré de comparer Bror Gunnar Jansson aux plus grands du Delta Blues, mais l’alchimie fonctionne et l’on ne peut que se réjouir de voir la monotonie de notre paysage musical brisée par un tel talent.

 

 

La sortie l’album Moan Snake Moan a été saluée par quelques grands médias, qui n’ont pas manqué de s’émerveiller que l’on puisse faire du blues en Suède. Mais est-ce si étonnant que cela ? Le blues s’est complètement mondialisé. De nos jours, les afro-américains sont peu nombreux à le pratiquer et même à l’écouter, mais le blues a suscité des vocations dans le monde entier, surtout en Europe, mais également en Afrique. De telle sorte que la grande majorité des visages du blues d’aujourd’hui – qui, de fait, n’a plus grand chose à voir avec le blues des origines… – sont blancs. Ce qui est bien plus étonnant, en revanche, c’est que Bror Gunnar Jansson parvienne à introduire sa conception du blues, sans concession, dans les médias français. Et pour le coup, c’est une excellente nouvelle !

 

 

 

 

Les propos qui suivent ont été recueillis le 4 octobre 2014 lors de l’Azimut Festival, à La Pesse (39).

 

 

RMIz : Comment se fait-il que ton dernier album soit sorti sur un label français ?

 

Bror Gunnar Jansson : C’est vraiment une coïncidence. J’ai fait connaissance avec le propriétaire de ce label peu de temps avant qu’on réalise cet album. Au départ mon disque devait sortir sur un autre label, mais ils ont fait faillite, donc je me suis tourné vers Normandeep Blues. Je suis vraiment content de l’avoir fait car Nicolas Miliani, le propriétaire du label, est un gars cool et il fait du bon boulot.

 

RMIz : Tu joues aussi dans un groupe, Serve You Right To Suffer… Quand tu fais des tournées en tant que one-man-band, tu es seul sur la route ?

 BGJ : Parfois je pars vraiment seul, en particulier quand je tourne en Suède. Ici en France, je fais une bonne partie de cette tournée tout seul, mais sur certaines dates, il m’arrive d’être accompagné de Nicolas de Normandeep.


 

RMIz : Quels sont les pays où tu pars en tournée ?

BGJ : Je joue principalement en France et en Suède, pas tellement dans d’autres pays.

 

RMIz : En Grande-Bretagne ?

BGJ : Je l’ai déjà fait mais il y a des années…

 

RMIz : Est-ce que tu aimerais jouer plus ?

BGJ : Je fais suffisamment de concerts. Tu peux toujours en avoir plus, c’est sûr, mais c’est bon, j’ai ce qu’il me faut. C’est cool, je gagne ma vie.

 

RMIz : Ton premier instrument était le saxophone ?

BGJ : En fait, le tout premier instrument dont j’ai joué était le violoncelle et quelques années plus tard j’ai appris le saxophone.

 

RMIz : Quand est-ce que tu as commencé à jouer simultanément de la guitare et de la batterie ?

BGJ : Il y a cinq ou six ans, quelque chose comme ça… C’était une période où je venais juste d’arrêter le saxophone. Et comme c’était l’instrument dont je jouais dans mes groupes de l’époque, je me suis retrouvé sans groupe. Quand j’ai commencé, j’ai réalisé que je pouvais essayer de faire quelque chose tout seul. Mais ça m’a pris du temps pour me sentir libre en jouant plusieurs instruments à la fois.

 

RMIz : De combien d’instruments joues-tu actuellement ?

BGJ : C’est surtout sur la guitare que je me concentre. Ensuite vient la batterie, mais pas de la façon dont on en joue habituellement. J’ai fait de la basse électrique, aussi.

 

RMIz : Quand on écoute ta musique, on ressent un certain nombre d’influences du vieux blues des origines. Le morceau « Moan Snake Moan » fait par exemple penser à du Howlin’ Wolf… Quels sont tes musiciens de blues préférés ?

 

 

BGJ : Il y a tellement de choses… Staple Singers est un de mes groupes préférés. C’est du gospel très brut et bluesy. Mon époque préférée, c’est les années cinquante et soixante : Muddy Waters, Charlie Patton, Blind Willie Johnson

 

RMIz : Est-ce qu’il y a un one-man-band qui t’inspire plus que le reste ?

 

BGJ : Bonne question. Un de mes one-man-bands préférés est un ami à moi qui vit également à Göteborg, en Suède. Son nom de scène est Old Kerry McKee. Il m’inspire beaucoup, car sa musique est totalement différente de la mienne. Il est très bon… C’est dans la veine de 16 Horse Power, mais en one-man-band.

 

RMIz : Tu sembles être très sollicité ce soir, alors que nous sommes au fin fond du Jura. C’est habituel pour toi ?

BGJ : C’est plutôt habituel quand je viens ici, en France. C’est assez marrant de faire des interviews, de parler avec les gens…

 

RMIz : Dans les paroles d’un de tes morceaux, tu évoques la présence d’un serpent à sonnette dans ta chambre… S’agirait-il d’une petite amie ?

BGJ : Non ! (rires) Quand j’écris des paroles, je compose en utilisant des personnages. Donc les thèmes et les paroles n’ont rien à voir avec moi. C’est la plupart du temps basé sur une histoire, un personnage, un cadre, ou quelque chose comme ça. C’est juste des histoires.

 

RMIz : C’est vrai que souvent, dans le blues, il y a des paroles, des personnages, des thèmes qui reviennent d’un morceau à l’autre…

BGJ : En effet. C’est tout à fait ça, j’aime utiliser des références aux vieilles chansons de blues.

 

RMIz : En ce moment, on entend Paul Personne jouer. Tu as vu les balances ? Tu connais ?

BGJ : Non, je ne connais pas. Je pense que je vais aller jeter une oreille.

 

RMIz : Il n’y a pas beaucoup de gens qui font du blues en France et peu d’entre eux sont médiatisés… Paul Personne est l’un des seuls. Et encore, on ne l’entend pas beaucoup dans les médias. J’ai été surpris de te voir en juillet sur Canal+. Comment as-tu fait ?

 

 

BGJ : C’était de la pure chance. C’est grâce à une personne que je connais un peu en France et qui a une émission radio…

 

RMIz : Quel est ton sentiment sur Paris ?

 BGJ : En Suède, il y a neuf millions d’habitants. C’est à peu près autant qu’à Paris… Du coup, Paris, c’est un peu trop gros pour moi.

 

RMIz : Ta musique a plus de succès en France ou en Suède ?

BGJ : Peut-être plus en France, mais depuis peu.

 

RMIz : Comment l’expliques-tu ? En Suède, l’ouverture musicale semble plus grande…

BGJ : Oui peut-être, mais il y a peu de gens, donc ça ne fait pas beaucoup de monde qui écoute ce style de musique. Mais il y a une très bonne scène locale, il y a plein de bons groupes…

Revu en concert à Strasbourg quelques semaines plus tard, dans une ambiance plus intimiste, Bror Gunnar Jansson a rencontré un succès tout aussi grand. N’ayant pas tout son matériel avec lui, il a su adapter son répertoire et proposer un concert relativement différent du premier. On lui souhaite une excellente continuation !

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Fernando ARRABAL, l’homme qui a connu l’homme!

Ce personnage est parmi nous! Fernando Arrabal réside à Paris depuis plusieurs décennies, y ayant côtoyé Morrison, Picasso, Ionesco, Dali, Beckett, Duchamps et cette liste ne finit jamais… Maître d’échecs, de théâtre, de savoirs et de réflexions…, auteur de centaines de livres de poésie, Arrabal dit tout et n’importe quoi avec talent et précision…! Subtilement! Subversivement?

 

Les comédiens de Talon Pourpre autour du maître

Les comédiens de Talon Pourpre autour du maître

Petit copié-collé de Wikipédia pour l’introduction de la fiche du monsieur!

Fernando Arrabal, né le 11 août 1932 à Melilla (Espagne), est un poète, romancier, essayiste, dramaturge et cinéaste espagnol.

Il vit en France depuis 1955, et est un « desterrado ».

Il a réalisé sept longs-métrages. Il a publié une centaine de pièces de théâtre, quatorze romans, huit cents livres de poésie, plusieurs essais et sa célèbre Lettre au général Franco du vivant du dictateur. Son théâtre complet est publié en de nombreuses langues (en deux volumes de plus de deux mille pages).

Il est cofondateur du mouvement Panique avec Roland Topor, Christian Zeimert et Alejandro Jodorowsky, et Transcendant satrape du Collège de ‘Pataphysique depuis 1990.

Ami d’Andy Warhol et de Tristan Tzara, il a passé trois années avec le groupe surréaliste d’André Breton. Le critique dramatique Mel Gussow (en) l’a considéré comme l’unique survivant des « quatre avatars de la modernité ».

« Un théâtre fou, brutal, clinquant, joyeusement provocateur. Un potlatch dramaturgique où la carcasse de nos sociétés « avancées » se trouve carbonisée sur la rampe festive d’une révolution permanente. Il hérite de la lucidité d’un Kafka et de l’humour d’un Jarry ; il s’apparente, dans sa violence, à Sade ou à Artaud. Mais il est sans doute le seul à avoir poussé la dérision aussi loin. Profondément politique et joyeusement ludique, révoltée et bohème, elle est le syndrome de notre siècle de barbelés et de goulags : une façon de se maintenir en sursis. »

— Dictionnaire des littératures, Éditions Bordas


C’est donc à Vesoul, au Thèv, en mars 2009, que Fernando Arrabal est venu voir la présentation de sa pièce Fando et Lis, par la compagnie parisienne Talon Pourpre, et qu’il donna une conférence sur cette même pièce y incluant la thématique espagnole, de Vesoul, de Besançon, de Victor Hugo…

Ainsi retrouvez ici ces deux écoutes :

  • la première étant la conférence de mars 2009 au Thèv de Vesoul :

  • la seconde intitulée « Arrabal parlera de n’importe quoi » est une conférence parisienne ou d’exhibition intellectuelle, assez savoureuse, à peu près de la même époque :


 

On termine notre salut au maître avec quelques vidéos de confrères ou passages télé… trop rares!

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Casey, la plume enragée.

Digne fils de la chanson française de qualité et du rock seventies en jean moule-burnes, je m’étais toujours dis que le Hip-hop ne me concernait pas, tant au niveau sonore que revendicatif. Les problèmes évoqués dans cette mouvance musicale n’arrivaient pas à remuer les méninges d’un cambroussard ne sachant pas ce qu’était la vie de banlieue, les délits de faciès et le racisme…Il y avait aussi le fait que les seuls morceaux de rap que je pouvais entendre, étaient ceux qui passaient sur les radios commerciales. Alors je suis resté calé entre les gratts électriques et les rimes de chanteurs, les uns comme les autres, quasiment tous morts à l’heure où je ressortais les vinyles de mes parents.

Et puis un jour, j’ai fais la connaissance d’un mec. Passées les normalités d’une amitié naissante, on s’est tout de suite mis à échanger nos goût musicaux, et de mon côté, j’envoyais du Ferré, du Thiéfaine et du Caussimon, et lui de me renvoyer la pareille, avec des morceaux de rap bien couillus, en sons et en lyrics…

Et merde, j’ai bien aimé. Morceaux après morceaux, je prenais des claques terribles en réalisant que j’étais passé à côté de quelque chose. Mais la mandale sonore que j’ai pris, aussi puissante qu’un high-kick de Steven Seagal, m’est venu d’une gonzesse. Pas la gonzesse fragile et douce des chansons de Renaud, non, la gonzesse qui chope le mic comme un gourdin, pour éclater la gueule de nombre de préjugés, et au passage, balayer tous les branleurs qui font du « rap », à base de piscine remplies de champagne, de putes et de liasse de billets. Ceux qui placardent les villes de réclame de concerts, et qui quittent l’affiche avant que la colle ait eu le temps de sécher…

Casey, le nom est lâché…aussi énervée qu’un chat balancé dans une flaque d’eau, elle envoie sa vision de la société française, à grand coups de rimes et d’instrus qui restent plantés dans la tête comme des coups de pied de biche dans l’occiput.

 

Bim, le décor, est planté. Dès le premier album, on comprend ce qu’est le rap de Casey, une bande-son percutante, qui vous prend par le col pour vous enfoncer la tête dans des textes sans concession, débités à coups de machette par un flow mécanique, entêtant et un brin éraillé.

 Avec bon nombres de projets à son actif, Casey nous livre quelques pépites, issues de diverses collaborations. De Zone Libre (Serge Tayssot-Gay de Noir Désir, Marc Sens-guitariste de Yann Tiersen et Cyril Bilbeaud de Sloy), en passant par Hamé de La Rumeur et Anfalsh, formé avec B.james et Prodige, ses morceaux font changer d’avis les auditeurs les plus réticents.

Et dernièrement, c’est avec la formation Asocial Club (AL, Virus, Prodige, Casey, Dj Kozi) que Casey évolue en gardant la même ligne de conduite. Du son, des paroles qui se boivent comme du Jagermeister et des clips qui tiennent le pavé. De quoi me donner l’envie d’en écouter encore et encore, et de suivre Casey dans son art, nouveau à mes oreilles mais déjà bien classé dans mes tracklists. En espérant que ça vous donnera envie de faire pareil, à bon entendeur, salut.

 

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