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Littérature : 2 nouvelles signées Christian PETIT.

Perpétuons la tradition littéraire de notre média, au carrefour des arts et des cultures, et donc place et honneur à notre collaborateur de la partie depuis les premières heures : Christian Petit.

C’est avec deux nouvelles de son cru que nous lui faisons la part belle, l’une coquasse [« Hold-Up »] en écoute audio, l’autre [« À poings fermés »], poétique, (2015-2020 en terme de gestation), plutôt à lire et relire ici-même.

Notre ami Christian, donc, travaille par ailleurs aux développements, choix et publications de Vesoul Édition (Culture & Patrimoine)

Cette maison a publié, récemment, une autre connaissance de RMI’z, Vincent Bousrez… … [ Ouvrage « Les Loups des Bois » ] … … Rencontré par-là l’été dernier… !

radiomongolinterz.org/les-loups-des-bois-de-vincent-bousrez/

radiomongolinterz.org/vesoul-capitale-belge-internationale/

Pas seulement, une autre étude / œuvre qui nous tient très très à cœur chez RMI’z, hébergée par Vesoul Édition (Culture & Patrimoine) : monsieur Bernard Belin et son : « Jacques BREL, T’as voulu voir Vesoul… ! «  [ TVVV pour les intimes ! ] ; m’autorisant alors deux coups de cœur chez cette boîte d’édition pour ceux qui suivent le fil d’Ariane de ma petite pensée… fusée francophone !


La suite n’a qu’une consigne : à bon entendeur…, … Salut ! Salutations !

( Oui, abus de majuscules et d’exclamations : hommage à Donald du rédacteur pozor’ist 😀 )


Nouvelle HOLD-UP, écrite par Christian PETIT en 2001, lue et récitée par William en 2006 ou 2010 (par-là quoi !), aux seins des studios radio de Fréquence Amitié Vesoul et mixée par Màxim Pozor ; musique d’illustration = George Winston  » The Second Law « .

LE TOUT EST AUDIBLE PARFOIS SUR : son.radiomongolinterz.org/

Désormais, place à  » À poings fermés «  ; ceci étant une nouvelle plus fraîche, lisible, une aventure entourn’ante, … à découvrir ci-dessous… !

À vous de « juger » sur pièce, tout commentaire en bas de page est bienvenu, afin d’encourager l’auteur modeste et généreux. MERCI LECTEUR… !


_ Dis donc, c’est notre histoire ce truc projeté contre le mur..!
_ C’est elle.
_ T’es certaine ?
_ Certaine.
_ T’as pas le programme par hasard.
_ Pas la peine, c’est elle.
_ D’habitude, elle commence pas comme ça, non ?
_ Elle commence par la fin aujourd’hui.
_ Oui, oui, bien sûr. Tu me diras, c’est pas plus mal.
_ Mais regarde, nous voilà,
_ oui, oui, au début on nous voit, toi et moi…
_ C’est bien nous là.
… et il pleut. Regarde comme elle devient une belle histoire avec le temps, vaillante, sans but.
_ De là à commencer par la fin.
_ C’est vrai qu’il pleut au début, puis qu’il ne pleut plus.
_ C’est plutôt un bon début, non ?
_ Pas mal pour une sacrée petite histoire toute simple ou l’on nous voit toi et moi, tu t’en souviens ?
_ Je m’en souviens.
_ On nous voit, deux ombres dansantes entre des grains de poussière.
_ Lumineuse la poussière, n’oublie pas, lumineuse, ça change tout.
_ Lumineuse et toi et moi, un brin affolée par les conjonctures…
_ Lumineuse, généreuse aussi, avec un mélange d’éternité. Et toi et moi joyeusement inaccessible, propre comme deux sous neufs.
_ Comme elle ressemble…
… à une belle journée d’ivresse traînant à la tombée du soir… _dans laquelle, main dans la main, nous allions … … à la manière d’une sensation ensoleillée venue de la nuit des temps …
_ … sautillant comme dans un vieux film
… nous allions… … souriant…
_ d’un bon pas…
… droit devant… … sur le versant le plus ensoleillé de nos vies…
… heureux… … Hé ! Regarde un peu, c’est le moment ou tout s’obscurcit…
_ … commencer par la fin a pas mal d’inconvénient …
… s’obscurcit à la tombée d’un sacré soir. … Oh la belle fin de journée lumineusement obscure…
_ Alors, fouillant au fin fond de tes poches tu trouves des allumettes
_ Au fin fond de mes poches
_ La chance quoi
_ J’en craque une, puis une, puis une, puis…
_ elles s’éteignent
J ‘en craque une autre… Toi et moi, silencieux, amusés.
_ Et l’obscurité sur le pied de guerre
_ Elles s’éteignent.
_ Les unes après les autres
_ Ah oui, à la queue leu-leu
_ Tu t’en souviens !
_ Oui.
_ Elles s’enflamment, étincellent, se consument, brûlent nos doigts et s’éteignent. On en craque une autre, et une autre et une autre et il n’y en a plus.
_ Tu parles d’une ambiance.
_ Notre fameuse petite histoire devient fébrile, floue.
_ Voilà qu’elle file au fin fond de l’horizon, emportant son butin bien à l’abri dans un sac en plastique.
_ Et pour nous ?
_ Pour nous, c’est être, tiens ! C’est comme être pris d’insomnie en plein terrain instable.
_ Et…
… Bon, en résumé Oui, résume un peu.
_ Au début donc, il pleut, il ne pleut plus et entre la pluie et le beau temps il ne se passe rien. Voilà.
_ Rien ?
_ Rien.
_ Genre vraiment rien ?
_ Amorphe le truc.
_ Et puis… juste après la pluie, tout s’allume et tout s’éteint, tout clignote. Tout est grandiose, féerique, incroyable, à des années-lumière, mais, en mode alternatif. Puis notre histoire devient un petit point rectangulaire au cœur d’un espace gluant, là où tout plane et tombe sans fin. Elle est irrésistible, lointaine, impertinente, universelle, brillante, alliant le geste à la parole dans un silence sans borne. Elle clignote.
_ Qu’est-ce qu’elle est forte, regarde, elle comme elle clignote bien.
_ C’est une aventurière.
_ Elle s’éteint, s’allume, s’éteint, s’allume avec allant, remplie d’une bonne volonté. Elle s’éteint de nouveau, s’allume de nouveau et s’éteint de nouveau. Avec assez de recule on l’aperçoit de temps en temps tombante à l’infinie. Devenant une sorte de sommaire incompréhensible. Une amusante possibilité clignotante, d’accord, clignotante…
_ Ça me fait penser que personne n’est parfait, c’est beau,
… furtive, éphémère, calme, robuste, saccadée ; Elle ressemble de plus en plus à une corde à linge sur laquelle une série de torchons claque au vent comme autant d’instants lucides sur lesquels se reposent des oiseaux migrateurs regardant passer les nuages en sifflant contre le vent tout en chiant joyeusement sur la terre. C’est lumineux, en résumé, bien sûr, en résumé… Pas simple pour un début, pas du tout simple.
_ Puis voilà qu’elle se fige à l’ombre d’un grand tilleul que je soupçonne être la résidence parfaite de mes nouveaux lendemains incertains.
_ J’aime bien ce passage.
_ Puis au fil du temps elle s’enroule.
_ Il est pas un peu long ton résumé ?
_ puis elle revient à la surface des choses les plus simples.
_ Synthétise un max.
_ Elle est là par intermittence.
_ Dis tout en un mot par exemple.
_ Elle revient, pareil à une vieilles promesses immobiles et désuètes qu’un bâtard renifle en aboyant.
_ Qu’est-ce que tu racontes ?
_ Elle clignote, je te dis, un poil essoufflée dès le début, elle clignote, discrètement, curieusement, touristiquement, d’un autre temps, comme un vieux monument aux morts au cœur d’une belle journée, si proche et si présente que pour un peu elle resterait à moitié engourdie au cœur de cette journée poussiéreuse, si palpable en souriant à l’avenir avec retard.
Tu m’ennuies. Tu sais qu’Il y a des gens capables de juger une journée rien qu’en la palpant, sa douceur… sa robustesse… sa résistance… son épaisseur…. sa résonance… son timbre… sa tessiture… entre chien et loup… en contresens… les yeux fermés… les oreilles aux aguets…
_ Tu sais peut-être pas mais t’es pas marrant. C’est toujours comme ça avec toi, cela devient un tas de mots sans aucun instant. C’est juste une histoire simple et tu en fais tout un fromage, t’es pas marrant.
_ Hé, tu cales des mèches derrière tes oreilles, tu me parles, tu hausses les épaules, tu me pousses, ça m’entraîne, nous roulons dans l’herbe, nous faisons le tour de la terre, nous disparaissons au milieu d’herbes folles, reste le vent, les nuages, les torchons, les oiseaux siffleurs.
_ Je me demande si elle a réellement besoin de nous maintenant, en la voyant comme ça, matinale, printanière, dans le vent. Si lointaine maintenant Va savoir ?
_ Puis elle s’immobilise au moment où le tilleul glisse ses branches dans l’air instable de ce printemps un brin en retard, ressemblant à un géant aux mille reflets verts embourbé dans de la glu.
_ Passage délicat.
_ Tu m’attires, recherches quelque chose que tu trouves finalement ailleurs bien trop facilement. Que tu plantes. Qui devient de l’herbe folle, de la broussaille, un jeune arbre, puis un arbre centenaire, puis des planches de bois, puis une porte, une belle vieille porte de bois que tu ouvres d’un mouvement circulaire, une porte à l’arôme boisé.
_ Je te dis « Allez va ! Passe par ici, tu gagnes un temps fou en passant par ici » et referme la porte.
_ Tu me dis de courir dans un couloir sans fin.
_ Cours, cours, cours, ah ah ah, je compte sur toi.
_ Le film sautille, clignote. L’image s’allume, s’éteint, clignote, je cours.
_ Je t’appelle « Antoine », « Antoine », « qu’est ce que tu fabriques », « tu vas bien ? », « tu as besoin d’aide ? », « que fais-tu ? ».
_ Tu m’attends.
_ Va par là. Tu gagnes un temps fou par là, je te dis.
_ Ce n’est qu’un couloir sans fin. Il mène nulle part.
_ Oui, mais c’est par là quand même et il y a un ascenseur au fond.
_ Un ascenseur ? Bon j’y vais, à tout de suite.
Maintenant, dans le couloir, un homme à la tête ronde avec un tas de questions circulaires au fond de son regard tubulaire arrive à l’instant.
_ J’arrive à l’instant, dit-il.
_ Vous cherchez quelque chose ?
_ Non.
_ Quelqu’un alors ?
_ Oui, un type, Antoine.
_ Antoine ?
_ Oui. Tu l’as pas vu par hasard ?
_ Antoine ?
_ Oui, Antoine. Un mètre quatre-vingt, deux yeux, un nez, deux oreilles, les cheveux en brouillard.
_ C’est moi.
_ Dommage. Il traîne souvent ici à ce que l’on dit. Je vais bien finir par le voir, l’apercevoir, l’entrevoir. Il adore traîner dans ces couloirs tristes et sans fin avec ascenseur au fond.
Maintenant, l’homme devient légèrement hors contexte, comme s’il y avait dans tout mécanisme : un avant : un après : sans autres précisions sur ce que cela implique : des parasites saturent son corps : des couleurs instables l’éclipse d’un bip électronique vaguement introverti : laissant son souvenir se débattre à l’intérieure d’une courte illusion froissée comme un vieux papier :
Maintenant, la porte de l’ascenseur coulisse sans bruit, déclic cristallin, froissement métallique, lumière bleue salée. La porte cède le passage à un homme flambant neuf tenant un petit paquet, marchant sur le tapis épais du couloir sans fin. Puis, comme une machinerie implacable sortie d’un cauchemar, tout s’accélère, comme si un monstre affamé retrouvant la liberté par erreur, au milieu d’un désert rempli de visions kaléidoscopiques, rattrape le temps en dévorant l’après-tout sur son passage.
_ T’as pas vu Antoine, par hasard ? demande-t-il les mains en porte-voix du fin fond du couloir sans fin.

D’ici dit-elle, il y a d’abord l’image floue et soudaine de ce paquet entre les mains de cet homme au fond de ce couloir triste et sans fin. Paquet enfermant peut-être un tas d’ébriété permanente relativement modeste, ou alors, de lointaines secondes d’un passé pourtant récent aussi claires que des rires de gosses. Enfermant peut-être d’autres choses. Des machins, des babioles, des trucs inutiles, des bidules manufacturés hors d’usage, sans importances, du vide à bon prix venu par avion.

D’ici, dit-elle la poussière projette l’histoire d’un homme à l’intérieur d’un film muet et sautillant. Il avance en sourdine à l’intérieur d’un couloir triste et sans fin un paquet sous le bras demandant où tu es.

D’ici, dit-il, il semble remonter le temps.

D’ici dit-elle il semble se battre contre l’imprévu, l’air devenant de l’eau par exemple. Il avance, recule, oui, recule et revient sur ses pas doté d’un entêtement proche du déséquilibre, il se bat contre des forces contraires et avance, se bat contre des forces secondaires écrasant la lumière à chaque instant, l’obligeant à traverser de brefs instants étourdis, avance de nouveau, reprend du terrain, saute de vide en vide, tient le paquet des deux mains. Trouvaille audacieuse, il manœuvre son corps à la manière de ces embarcations légères à fond plat sautant de vague en vague, approche comme un fantôme égaré. Pas mal joué. Se déporte sur la gauche, tout le monde l’applaudit, remonte le couloir, tout le monde retient son souffle, contourne l’invisible, tout le monde n’en revient pas, et dépose le paquet à deux pas de toi, tout le monde est soulagé.

T’as pas vu Antoine. Antoine ?
_ Oui, Antoine !
_ Ben oui, je l’ai vu.
_ Où ?
_ Juste là.
_ Où ?
_ C’est moi.
_ Oui, bon, parlant comme si l’un se trouvait en pleine mer avec des hauts et des bas rarement vus et l’autre au bord d’un rivage plus lointain que jamais. L’homme phosphorescent hurle
_ j’ai trouvé ça là-bas pour lui. Si tu le croises, donne-le-lui.
_ Je suis Antoine, c’est moi.
_ T’occupes, donne-lui, c’est tout.
_ Écoute ce que dit cet homme, enfin ! Tu vois l’Antoine, tu lui donnes, hurle une jeune femme juste derrière lui, c’est pas compliqué non d’un chien. Fais ce qu’on te demande. Point barre. Tes parents-t-on bien mal éduqué.
_ Pour l’instant il n’est pas ici, explique un vieillard à bout de souffle, pour l’instant…
_ Il n’est pas là non plus ! Affirme une jeune femme aux cheveux blonds en regardant derrière elle les paupières closes.
_ Où est-il ? Demande un homme en rangeant ses lunettes de soleil.
_ Paraît qu’on l’a vu pas plus tard qu’hier, répond un édenté au sourire complexe. Est-il ici où n’y est-il plus ?
_ Ici ? Aucun danger, ailleurs sûrement, mais ici, pas l’ombre d’une chance affirme une jeune femme en robe. Je n’ai pas bougé, pour ainsi dire, enfin pratiquement pas, juste failli, pas plus.
_ Personne n’a vu l’Antoine ? Demande une femme aux seins lourds. J’ai trop de lait, j’ai trop de lait !
_ Je m’appelle Antoine.
_ Tu le connais, peut-être ?
_ Antoine ! Antoine ! Antoine ! Antoine ! Hurle un jeune couple en cœur, les yeux dans les yeux. Antoine ! Antoine ! T’es où ?
_ Attends, dit la fille, ils l’ont peut-être vu.
_ Vous l’avez pas vu, demande un homme en complet veston à personne en particulier.
_ Mais, c’est ma question, monsieur, rendez là moi, je voulais l’utiliser.
_ Ma question, ma question ! Les jeunes sont bizarres de nos jours.
_ Qu’est-ce que vous en pensez, vous, qui venez d’arriver dans le coin ?
_ J’arrive pas, ch’ui né ici, dit Antoine.
_ Tu veux qu’on gobe cela, l’ami, n’importe quoi, dans un couloir triste et sans fin avec un ascenseur dans le fond.
_ Ici, avant il y avait une cage d’escalier, se souvient la jeune fille aux cheveux rouge, avant il y avait un croisement, avant une écurie, avant une déchetterie, avant une tranchée de la Première Guerre mondiale, avant un campement nomade, avant un cours d’eau, avant de la
poussière lumineuse flottant dans un univers clignotant. Mais ça remonte à loin là, très loin même.
_ Bon, personne n’a l’a vu par hasard ?
_ Je suis là.
_ Te fatigue pas l’ami.
_ Tu ne l’as pas vu, t’es sûr !
Antoine regarde dans la salle de cinéma où est assise la jeune fille. Elle se lève, marche vers l’écran. Antoine se dirige vers elle.
_ Je vais être en retard. Tu m’attends toujours !
_ J’attends, j’attends, mais grouille-toi, c’est bientôt le générique de fin.
_ Déjà ! Pourtant d’ici cela ressemble à une histoire sans fin.
_ D’ici, elle est plutôt un peu longuette tu vois.
_ Elle peut pas finir maintenant.
_ Pourquoi ?
_ Ch’ai pas trop, dans le fond. T’as raison. Tu pas le programme ?
_ Si, bien sûr, attends.
Elle fouille dans ses poches.
_ Tiens, voilà, regarde, tu meurs à la fin.
_ Je meurs ? T’es certaine ? Tu ne te trompes pas de film.
_ Non regarde, l’autre c’est de la science-fiction.
_ Je meurs comment ?
_ Oh, c’est simple, je te tue ; regarde, comme ça.
Elle sort un flingue, vise Antoine, tire deux fois en fermant les yeux, puis ouvre un œil en tenant toujours le flingue à bout de bras.
_ Tu n’es pas mort ?
_ Je crois pas, j’ai rien senti en tout cas.
_ Pourtant y’a deux trous, juste là sur l’écran.
_ Ouais, mais moi, je n’ai rien, il est pas marrant ton film. C’est la dernière fois que tu le choisis. Quelle idée de commencer par la fin ?
_ Hé, tu vas pas me faire une grise parce que je ne t’ai pas tué du premier coup !
_ Écoute, c’est écrit dans le programme, en grosses lettres. Tu me tues !
_ Ouais bon, c’est juste un film.
Elle plante une graine, une porte se pousse, Antoine l’ouvre et la referme.
_ T’es où ?
_ Là devant toi.
_ Ben qu’est-ce que tu fais ?
_ Je regarde un film sautillant dans l’obscurité.
_ Et le type avec qui tu es venu ?
_ Celui qui raconte une histoire qui clignote en tombant dans l’infini.
_ Oui
_ C’était un figurant.
_ T’as rien d’autre à faire ?
_ Mais c’est pour le film, pour qu’il ait bonne haleine, qu’il tienne la route, file comme un courant d’air du début à la fin. Tu vois l’importance du figurant ?
_ Bon et alors ? Y’a pas un autre film par hasard ?
_ Si bien sûr, le voilà, imagine un instant, rien qu’un instant, imagine, nous sommes deux mondes éloignés, tu vois, même pas parallèles, juste chacun dans son coin. Il y a le tien, il y a le mien, depuis le début, et, c’est là que cela devient étrange, nous voulons, va comprendre
pourquoi, nous contacter, l’un et l’autre, se connaître. Imagine, nos messages arriveront bien après notre mort, comme de vieux fantômes.
_ T’inventes pas un peu par hasard ?
_ Donc en résumé, nos phrases traversent l’univers et se croisent.
_ ça finit comme cela.
_ Oui
_ Fais voir le programme.
_ Exact ! ça finit comme cela : tu demandes le programme.
_ Ben dit donc.
_ Mais tout de même, à un moment, nos phrases clignotent, l’univers voyage, hein, j’insiste, il voyage et elles clignotent et se croisent.
_ Oui oui, c’est cela, c’est cela, il voyage et elles clignotent et elles se croisent.
_ Remarque c’est pas dans le programme.
_ C’est bien elle alors, c’est notre histoire, c’est tout elle. Elle n’arrive jamais à finir cette fameuse histoire.
_ Y’a toujours un truc nouveau.
_ Dis-moi, qu’est ce qu’il pouvait bien contenir le paquet dans le couloir sans fin, t’as une idée ?
_ Aucune.
_ J’irai bien le revoir ce film.
_ Je suis juste venu prendre un café.
_ Bon alors à la prochaine.

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Vous avez dit « Alcoolique »?

« L’alcool décape la petite couche de bonheur peinturluré pour découvrir la patine d’un matériau doux, uni, pâle comme la tristesse. »

Michèle Mailhot

 

 

 

Salut les Mongols, ici Herr Ertzin, votre serviteur qui vient vous parler d’alcool. Et oui, d’alcool, comme quoi sur RMIz, on essaie de parler de tout. Ne tirant aucune gloire d’une consommation déraisonnable, n’essayant pas de nous faire passer pour des vrais hommes parce qu’on boit plein de vin, les gens comme moi se voient souvent questionnés et incompris quant à notre besoin d’état second. En effet, pour le grand nombre, l’alcoolisme, quand il ne rime pas avec succès, c’est un signe de faiblesse, c’est un défaut ou une maladie. N’est pas Renaud, Depardieu, ou Gainsbourg qui veut. La plupart des citoyens considérant l’alcoolisme comme une mauvaise chose parviennent pourtant à admirer ce genre d’alcoolo céleste, comme s’ils étaient frustrés de ne pas pouvoir en faire autant. Mais quand on parle d’un voisin, d’un membre de sa famille ou d’un ami, l’alcoolisme devient nettement moins glorieux.

 

Je ne suis pas du genre à me répandre à volonté,

Je n’ai pas besoin d’être plaint ou d’être encouragé.

Personne ne sait ce qui habite mon cerveau calciné,

Est-ce de la démence, une passade ou une céphalée ?

Et je n’ai  aucun trou dans ma tête pour y regarder,

Mais devant cette feuille, dans cette pièce enfumée,

J’expulse douloureusement mes mauvaises pensées

Un peu comme si j’accouchais d’un enfant mort-né.

Je botte en touche quand quelqu’un se met à réclamer,

Sous couvert de famille, de médecine ou par amitié

Les poussières foudroyant mes méninges encrassées.

C’est trop dur d’expliquer mon envie de me détériorer,

Avec cette impression de boire dans un verre ébréché.

Et quelques fois quand  mes lèvres se mettent à saigner,

Un quidam fait connaissance avec mon plus mauvais coté,

Et me demande ce qui motive ces addictions déprimées.

Mes excuses, je préfère être seul à connaître la vérité

A savoir vraiment tout ce que la vie m’aura confisqué

Et pourquoi j’ai de moins en moins l’envie d’avancer.

Cantonnés dans leur désir respectable, de santé, confort et bonheur, la plupart des gens ne cherchent pas à comprendre pourquoi quand eux prennent leur pied à avaler 3 bornes en courant, nous on débouche une fiole de rouquin, et on la vide. Toujours à nous vanter les mérites de la sobriété, de la confiance en soi et de la recherche de toujours avoir une raison de positiver, ils sont certains d’avoir raison, que tout le monde à droit au bonheur, et que pour avancer, il faut du travail, de l’argent, la santé et une famille. Et nous de leur balancer le fiel de nos vies, le pessimisme qui nous remplit, cette sorte de clairvoyance nimbée de j’m’en foutisme et de réalisme hideux.

La vie c’est de la merde, voilà notre point de vue, mais on entend plus souvent de « tu te plantes! » ou encore de « reprends toi en main! », que de « je peux comprendre » et autres « je sais pas si c’est la bonne solution, mais après tout, t’es grand! ». Non, ils pensent que le bon sens est forcément de leur côté, ils gardent pour toi un minimum de respect, et ne t’accordent plus aucune crédibilité.

Dommage, parce qu’on pourrait jouer un peu, on pourrait avoir la grande gueule qui nous manque bien souvent, taper du poing sur la table, et dire à qui veut l’entendre qu’ils se plantent, eux aussi…surtout eux.

 

 

Quand j’en ai marre de cette permanente sensation de vide
Quand d’autres que moi ne mettent jamais la tête sous l’eau
Quand je les vois jouer des coudes, fiers, ambitieux et avides
Quand je suis ivre mort, gerbant ma loose au fond d’un seau
Quand je me rends compte que je n’ai plus rien dans le bide
Quand j’essaie de me couler, alors qu’il faudrait rester à flots
Quand ils sont sûrs d’être des chevaux sauvages et sans brides
Quand je suis chien, conscient de ce qui entrave mon museau
Quand ils se trompent complètement sur ceux qui les guident
Quand je sais que devant nous, il ne peut y avoir que le chaos
Quand je vois des connasses essayer de lutter contres les rides
Quand ailleurs on en a, des rides, mais parce qu’on a pas d’eau
Quand ils se leurrent, et pensent que ce sont eux qui décident
Quand je me trouve juste à côté d’eux, à l’arrière du troupeau
Quand ils sont heureux de mener une vie prévisible et placide
Quand ils se couchent rêvant de succès, d’espoir, de renouveau
Quand j’égrène la liste exhaustive des raisons de mon suicide
Quand le moment vient où vivre consiste à traîner son fardeau.

 

Un fardeau, les mots sont forts, mais oui, l’existence est un fardeau. Alors plutôt que se voiler la face, on décide d’y aller à fond, la détérioration devient pour nous une sorte de quête dans laquelle ils nous est possible de repousser les limites de nos corps et de notre pensée. Une vie saine trompe la mort, soi-disant, mais vouloir tromper la mort, c’est bâtir sa vie sur un mensonge. La mort est là, en permanence et pernicieuse. Ils peuvent bien manger des fruits et faire du sport, ça n’empêche pas une voiture de quitter la route, ou  un AVC de venir souffler les bougies le jour de leur trente ans. Alors, on remue un peu le merdier, pour voir comment c’est quand on s’y frotte, au néant, au coma, au grand vide…

 

Quand les jours sont trop noirs pour y voir quelque chose

Que le fiel de ma vie se répand sur mon cœur

Je ne pense qu’à me détruire et atteindre l’overdose

Pour aller voir si le temps est plus clément ailleurs.

 

Et je me réveille dans un état déplorable

Avec l’amer regret de ne pas y être resté

J’avais pourtant rêvé de soleil et de sable

Mais au matin, je demeure sur mon canapé.

 

Et je me saoule dans une odeur de cendres froides

En rongeant au sang, ma triste condition d’écorché

Dans mon esprit en lambeau monte doucement la ballade

La chanson mélancolique d’un impuissant et d’un raté.

 

J’ai tout essayé pour peut-être me sentir bien

Et finir par aimer la vie et tout ce qui va avec

Mais quelque chose me retient au fond du bassin

Et mes tentatives de remonter se soldent par un échec.

 

Ainsi je reste coincé dans ma léthargie permanente

Me contentant de petits morceaux de bonheur égarés

Qui n’ont pas réussi à trouver quelque âme accueillante

Et c’est le vent par hasard, qui les dépose à mes pieds.

 

Le bonheur est une notion très relative. Il est différent aux yeux de chacun, quoique bien souvent en lien direct avec un certain confort matériel et financier. Mais pour nous autres, le bonheur n’a pas de définition, c’est juste une idée, qui traîne de-ci de-là, arrive à nous toucher quelques fois, mais bien souvent se retrouve chassée par cette mélancolie implacable. Et certains soirs, c’est vrai, les verres de vin s’imposent comme les arguments d’une mauvaise plaidoirie, dans laquelle on essaierait de défendre nos théories et justifier cette permanente envie de se cramer. L’ivresse, atteindre le moment où le corps dit stop et que le cerveau répond toujours…concentrer le reste de notre énergie pour entretenir une pensée. Ces quelques minutes avant qu’un sommeil d’ivrogne nous gagne, sont comme un grand tri dans nos têtes encrassées. On part pour un certain coma avec ces sacs de nœuds que sont nos vies, et on verra plus clair quand on se réveillera…Mais sommes nous certains de vouloir nous réveiller?

 

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Nordeste, musiques pop, langages : corps, consommation et poésie ! (Par Morgan RICHARD)

De notre envoyé spécial au Brésil, Morgan Richard

Piégé dans une énième soirée, où je me demande, pour la énième fois, qu’est-ce que je peux bien foutre ici… ? Sourires forcés et démonstrations de sensualité stéréotypée, à l’américaine, le tout sous les pulsations d’une musique tapageuse, musique sérielle de la radio, chanson unique du conformisme pop dont la vie ne dure qu’une saison, le temps d’une collection de fringues vulgaires et hors de prix, mais qui en même temps dure depuis toujours, vit de la vie éternelle du spectacle, incarnée par différentes chanteuses cocaïnées qui seront oubliées dans un an, puis remplacées par d’autres, sacrifiées sur l’autel de l’insipidité audiovisuelle.


Dans le bus de retour, trois ou quatre fêtards rentraient aussi chez eux, chantants des chansons populaires coco, musique traditionnelle du Nordeste brésilien ; pour tout instrument, ils avaient leurs mains, qui battaient la cadence et remplaçaient le tremblement des percussions. J’ai été pris d’une intense joie. La musique du peuple, le son de la rue et des gens, celui qui appartient à tous et une musique qui ne demande rien d’autre que de savoir taper des mains. Pas de boites hypes et d’habits chers. Pas de starlettes sur maquillées ni de la lumière bleue d’un écran d’ordinateur, pour enregistrer, quantifier, calibrer, faire que rien ne sature, que tout soit propre et conforme. Seulement un pauvre bus, perdu dans la nuit et le long des routes cabossées de Recife, parmi les rares lampadaires, et puis le rythme des mains, lancinant, et cette fille, rayonnante de la beauté de ce qui est en train de naitre en elle, qui chante de ses pleins poumons ces musiques de toujours.

Et de quoi parle le coco ? Qu’est ce qui se traduit, dans ce langage de frissons contre la peau et de pressions à l’estomac, lorsqu’on troque un bus de vendredi soir brésilien pour les nuits chaudes d’Olinda, les battements des mains pour le bruit fracassant des tambours? Cette musique, d’origine africaine, nous parle de chaînes et des cicatrices inter-générationnelles du fouet, nous parle de douleurs, et aussi d’espoir, du sourire infini du « we shall overcome », nous murmure des échos de révolutions et de poings serrés, mais aussi de lumières, de filles qui se déhanchent et d’amours sauvages et clandestins, dans les veines chaudes du Nordeste brésilien. C’est un aspect du blues universel, de ces chansons populaires des ruelles du monde entier, entre la crasse et l’extase, entre la mort et la lumière. Du noir américain ivre et édenté, au miaulement plein de larmes du violon tzigane de Roumanie, ou les valses de la commune, le feulement de l’accordéon, quelques minutes avant la violence de la répression et le martellement policier que l’on a toujours opposé à l’espoir et aux chansons. Et ces chansonnettes doucement murmurent, par ceux qui se souviennent et qui savent, dans quelques bus du vendredi soir, quelque part sur terre, ces chansonnettes qui réconfortent, font sourire et font pleurer, de ses murmures mélodiques qui chantent demain, et une guerre douce comme un pas de danse en pleine gueule.

Notre manière de consommer de l’art est essentiellement un choix politique. Il s’agit d’aller au naufrage d’une salle de cinéma, à rire d’une blague réactionnaire prononcée par le dernier acteur en vogue à Hollywood, oubliant notre solitude avec une poignée d’autre désespérés, ou de porter un peu de notre amour à la rencontre de l’obscurité, de brandir une petite flamme à la rencontre de l’altérité, avec une sincérité de schizophrène, de celle qui exclut l’artifice snob de l’univers culturel. Pensons au concept d’imédiatisme d’Hakim Bey. L’art périe dès qu’il est médiatisé, et plus le mode de médiatisation est puissant, plus il rend l’œuvre compréhensible uniquement en terme de dollars. L’air de guitare que mon colocataire joue au moment où j’écris est infiniment supérieur à n’importe quel CD, parce qu’il n’est destiné qu’a périr, il est là pour moi, pour les murs nus qui nous entourent, pour le bonheur de celui qui joue. C’est en cela qu’il faut respecter la musique populaire. Non pas en vertu de quelque traditionalisme camouflant une peur du futur. Mais ces airs de Roumanie, joués dans les rues de Montpellier par un rom de 7 ans avec son accordéon de quatre sous, cet air qui représente sa condition miséreuse de gamin livré à la rue et l’espoir d’un repas chaud et la fierté d’un héritage de douleur et d’espoir condensé en quelques notes, héritage qui l’élève des milliers de kilomètres au-dessus de la laideur des faubourgs, cette musique restera à jamais dans mes tripes. Et je la respecte d’autant plus que personne ne l’aime, que les passants qui l’écoutent sont incapables de l’entendre, de percevoir rien d’autre qu’un sale Rom avec un accordéon déglingué.

Il convient de se rappeler ce cri de Terrence Mc Kenna : « Culture is not your friend! ». La culture n’est pas votre amie. La culture est l’outil de propagande le plus puissant utilisé pour le compte de la réalité consensuelle. C’est elle qui vous fait baiser comme dans un film porno, vivre vos amourettes de la manière stupide et conformiste d’une série américaine, avec la peur au ventre de l’amour vrai, celui qui brule comme le soleil.
Dans « la théorie de la jeune fille », Tiquun a montré que le champ du corps, de la sexualité et de la séduction est totalement colonisé par les représentations symboliques d’une certaine culture, culture qui décuple ce que Foucault appelle « le dispositif de sexualité »: une injonction sociale à la pratique du sexe et à la parole sur le sexe, qui créé un objet qu’il prétend exister depuis toujours, la sexualité. Et cette injonction se cache, afin de faire passer sa parole pour celle d’un contre-pouvoir, lorsqu’il s’agit de la voix du bio pouvoir, de son travail de fourmi pour la disciplinisation des corps, jusque dans leurs sexes. Pour détruire la possibilité de l’expérience, de la potentialité d’une énergie révolutionnaire dans nos queues et nos chattes. Et ce que Tiquun  appelle la jeune fille, c’est cette personne, homme ou femme, qui pense déjà comme dans un magazine de Elle.

La culture n’est pas votre amie nous dit Mc Kenna. Il dit aussi que l’endroit où vous êtes actuellement, constitue le lieu le plus parfait pour le déroulement de vos actions, en lien avec vos désirs, vos envies, vos haines, vos amis etc… Le piège du spectacle, celui d’une certaine culture est de vous faire remplacer ce réseau a l’intérieur duquel peut s’inscrire les répercutions complexes que vous pourriez avoir sur le monde, par un univers médiatique ou les modèles deviennent des acteurs et des stars de la pop, les préoccupations d’une identification à des batailles politiques stériles entre deux partis qui font seulement semblant d’avoir une opinion différente du social.

Alors, renoncer a l’art? Dire que l’art n’est qu’un artifice par rapport à la vie? Je crois avec Deleuze que résister, c’est créer, et qu’inversement, créer, c’est résister : ce que toutes ces ‘créations’ vides de sens nous insufflent, c’est le pouvoir de la norme, à travers tant de chansons stupides et de romans à l’eau de rose. Ce sont des instruments du désir de faire comme tout le monde, d’avoir sa vie bien planifiée, et surtout la peur de la part de feu, la peur de l’expérience intérieure, de s’éloigner des rivages du connu, et de boycotter la réalité consensuelle. Et justement, l’art, celui qui compte, est toujours repoussement d’une limite. Peindre pour voir et faire voir plus. Pour déchainer sa puissance à travers tant de nouvelles couleurs. Ou écrire, comme Artaud, pour les analphabètes. Il ne s’agit pas de parler de sa petite vie et de ses petits problèmes. Il s’agit de pousser de toute ses forces contre le mur, et de passer au-delà, loin du triangle père-mère-castration et au sein des machines désirantes, l’art comme schyzo-analyse, comme entrée triomphale dans un monde où il n’est pas souhaitable de se prémunir du délire, où le délire, comme production sans cesse croissante et compromission irréversible avec le monde, est le graal recherché. C’est l’opposition que fait Deleuze entre fantasme individuel, fantasme qui s’identifie avec l’institution et d’élire l’institution comme immortelle, délire du devenir général ou du devenir cadre supérieur ou moyen, ou flic, ou bien même contrôleur de métro, et le fantasme collectif, le délire qui circule entre les foules et se branche sur le caractère périssable des institutions, se branche sur une guerre, une révolution, et le devenir infinie, le délire vertige du devenir, arbre, vent, race et continent.

Blanchot, dans son livre « de Kafka a Kafka », pose un homme malheureux, et qui désire écrire sur son malheur. Il ne suffit pas qu’il écrive « je suis malheureux ». En faisant ainsi, il est encore trop éloigné de lui-même et de son malheur pour que se passe la littérature. Il faut cette transposition étrange et inquiétante du « je » au « il », il faut écrire « il est malheureux » pour que naisse l’art et commence vraiment le malheur. La littérature est le passage libérateur du « je » au « il » : Deleuze de commenter que la ligne de fuite, la marche nomade et essentiellement expérimentale qui serpente entre les lignes tracées par les institutions et le spectacle, et une ligne où le sujet ne peut plus dire « je », où il est essentiellement « un il » qui s’accouple dans une union sacrée avec ce qu’il traverse et qui le traverse. L’art est ce pouvoir qui transforme « je » en un autre. Et ceci est le potentiel réellement révolutionnaire de toute création.

La poésie, à travers l’expérience sensorielle qui la catégorise, régénère l’univers de nos premières fois, et fait se dresser en nous un enfant éternel, seul capable de se laisser pénétrer en un sentiment quasi océanique par la force des éléments. La poésie, comme porte par excellence vers un monde que l’on habite et qui nous habite, comme aiguisage de notre perception et recueillement qui nous permet de ne pas simplement subir.

L’art comme langage est aussi ce qui peuple le monde. La poésie, comme saillie active de l’imagination dans le monde, permet pour Bachelard de prendre ce recul hors de l’agitation pour nous livrer à la contemplation de l’eau qui dort et de l’eau qui jaillit, de la musique du vent et des éclats apaisants et surpuissants des flammes, de la chaleur de la terre. La poésie comme rêverie alchimique qui réalise dans le lecteur l’androgénie primordiale de l’animus et de l’anima, les deux penchants sexués de notre âme selon Jung. Moyen d’habiter le cosmos, de prendre part dans le tableau monde, et que nos yeux deviennent témoins d’autres regards que la poésie nous fait découvrir, yeux de la lumière réfléchie dans la prunelle d’un lac, des feuilles dansantes sous le vent. L’art est une multiplication de l’expérience du Voir.

Mes feuilles ce sont mes yeux, et je regarde émerveillé
De cent mille yeux je te contemple et je contemple Istanbul
Et mes feuilles battent et battent comme cent mille cœurs
Dans le jardin de Gülhane, voilà que je suis un noyer
Nul ne le sait, ni toi, ni même la police.


Je suis tout imprégné de mer et sur ma tête écument les nuées
Dans le jardin de Gulhané, voilà que je suis un noyer
Un vieux noyer tout émondé, le corps couvert de cicatrices
Nul ne le sait, ni toi, ni même la police.

Dans le jardin de Gulhané, voilà que je suis un noyer
Et tout mon feuillage frémit comme au fond de l’eau le poisson
Et comme des mouchoirs de soie, mes feuilles froissent leurs frissons
Arrache-les, ô mon amour, pour essuyer tes pleurs.
Or mes feuilles, ce sont mes mains, j’ai justement cent mille mains
De cent mille mains je te touche et je touche Istanbul
Mes feuilles ce sont mes yeux, et je regarde émerveillé
De cent mille yeux je te contemple et je contemple Istanbul
Et mes feuilles battent et battent comme cent mille coeurs

Dans le jardin de Gulhané, voilà que je suis un noyer
Nul ne le sait, ni toi, ni même la police.

Nazïm Hikmet

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MEC ! LEPREST-PERREAU-TORRETON !

« MEC ! » PHILIPPE TORRETON

DIT LES MOTS D’ALLAIN LEPREST

AVEC EDWARD PERRAUD

affiche

 

« Dire du «Leprest» comme on dirait du «Rimbaud», pour l’écriture elle-même…

Et puis, j’ai voulu former un duo pour ce récital. Mais je ne voulais pas être «accompagné» ni «soutenu» : je rêvais qu’un musicien lise aussi à sa manière les textes d’Allain.

J’ai appelé Edward Perraud, et sans le savoir, je suis tombé sur un homme lui aussi bouleversé par l’œuvre d’Allain Leprest et sa disparition récente.

Edward est un génial percussionniste, un poète du son, un chercheur-fonceur ; sur scène nous dialoguons, nous sommes unis et libres comme le demande le jazz et cette liberté colle bien aux textes d’Allain. »

Philippe Torreton


Pour qui méconnait Allain LEPREST, rien de grave pour apprécier ses mots cousus d’or et d’alcool, feu d’une vie intense, le musicien Edward PERRAUD et le comédien de renom Phlippe TORRETON réalisent sur scène, non sans émotion tangible, de manière professionnelle, une transcription inégalée de ses textes … « Performance? », ceux-ci veulent juste « faire entendre », souligner, enrichir sans trahir…

Ce soir à Vesoul, mais RMIz étant mondial, il vous est conseillé de ne pas manquer cette prestation triptyque, Leprest parti il y a un peu plus 3 ans y revit !

Issu de la programmation du Festival Jacques Brel, ce spectacle assure l’exigence du poète….

Torreton m’a confié, que pour lui, Leprest aurait sa place de reconnaissance dans le panthéon des célébrités de la chanson entre Brel et Férré… Je lui dit l’associer à François Béranger, il me répond « à Henri Tachan aussi »…!


[Ci-dessous Dàrio rencontre Henri TACHAN à Besançon en mars 2008 en écoute: environ 29 minutes, reportage audio mixé en musiques, apparition du groupe KARPATT]


 

 

Ne sachant s’il y aura captation, votre place est au théâtre…

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