Archives pour la catégorie Cultures – Société

Futebol, c’est la vida qui est là !

à Jean-Luc B., à Maxou B., à Marcelo B. à  et au magazine SO FOOT

Cet article complètement subjectif est un appel à témoins pour les plus puristes et critiques et fans d’entre-vous… La culture est partout !

Lorsqu’un seul sport cristallise un amas de cultures et d’anecdotes autant que le football, vieux sport anglo-saxon en perpétuelle évolution, qu’il déchaine autant de passions et de haine à son endroit, votre serviteur Dàrio se devait de vous en faire part par le menu, de son point de vue personnel…

C’est à dire que les premiers souvenirs d’un type de 35 ans remontent à 1986 et le France-Brésil du mundial mexicain, à presque six ans, une télévision trônant dans un méchoui de rase campagne et le penalty de Michel Platini manqué lors de la séance de tirs aux buts... [un quart de finale de coupe du monde victorieux pour la France devant l’une des plus belles équipes de tous les temps…!]

On touche à l’enfance et ses souvenirs de trois décennies, à la psychologie, à l’inconscient aussi ; ce qui est certain c’est le charme et la mémoire intacte de ce format 4/3 de l’image aux couleurs saturées…


Pour les gourmands, voici l’intégralité du match ! Michel Drucker commentateur, un 21 juin (anniversaire de Michel Platini), date de libération d’otages à Damas ! Nous ne nous étendrons cependant pas sur cette imbrication entre football, géo-politique, pognon & compagnie tout au long d’une vie de « footix » !!! Ici un moment audiovisuel sportif de 2 heures et trente minutes passées, avec cette tradition des hymnes nationaux, de la bataille du match, des prolongations et pénaltys respectée.

Le récit se poursuit, je me nommerai footix :

première licence de foot à 7 ou 8 ans :

  • pratique en poussins, pupilles, à l’école primaire : les années 80.

  • pratique au collège, sur les terrains underground : les années 90.

  • entre temps comme nous tous me voilà Champion du Monde 98 !! Et d’Europe 2000 !!

  • pratique lors des festivals, mariages, fêtes extérieures en tous genres : les années 2000.

Ceci explique le succès de ce sport : il peut se jouer en chambres, couloirs, terrains de gazons, parcs, contre murs de ciment, de béton, de pierres, seul, à plusieurs, en cuir, en mousse, en plastique, en salle… Les longueurs et largeurs des terrains officiels de par le monde ne sont pas fixes….


Cet article ne faisant pas mention des matchs vécus aux stades mais de mémoire télévisuelle, je ne saurais que trop vous conseiller de vivre ces événements lorsque vous le pouvez en live, comme s’il s’agissait de concerts ou d’opéras… et surtout au stade du village, comme dans de grands…!

 

Un de mes matchs lointains emblématiques suivi entier :

Ainsi, revoyant dans ma mémoire d’enfant la finale de la coupe de France 1990, (à relever la présence au Parc des Princes ce 2 juin pour Montpellier de Laurent Blanc, Eric Cantona, William Ayache, Kader Ferhaoui, Vincent Guérin, Pascal Bails ou encore Júlio César da Silva… et pour le Racing Paris de David Ginola, Jean-Manuel Thétis, Alim Ben Mabrouk, Pascal Olmeta…). Cette période charnière pour le foot français privé cette fois de coupe du monde pour 2 participations…, pourtant en pleine révolution, Eric Cantona défrayant la chronique pour l’éternité !

Alors j’ai connu des bribes de coupe du monde ITALIA90 :

Et de là tout s’enchaine, la passion pour les aventures européennes télévisées des clubs français, l’Olympique de Marseille en tête ! L’adolescent comprend le mnémotechnique et la géographie du continent à tour de bras et de visions…

Lech Poznan est un club de Pologne, Leeds se trouve au Nord de l’Angleterre,  la Suède en 1958 a connu l’avènement du ROI PELÉ,  Séville demeure le théâtre du match du siècle (France-Allemagne 82) digne d’un drame shakespearien, Maradona arrêté pour détention de cocaïne à Naples en 1991, la vision de Ronald Koeman versus Gianluca Vialli, les larmes de Basile Boli, les dribbles de Chris Waddle, l’efficacité de quelques Deschamps, Zidane, Baticle, Pirès, Papin, Ettori, le verbe de Larqué et Roland, l’admiration pour Van Basten-Gullit-Rijkaard, l’ombre de Lineker, Olive et Tom ou l’École des Champions! …. J’ai du tellement ingurgiter de football dans mes années 90…! Cette époque était frugale, mais pas autant médiatisée qu’à ce jour!!! Et pourtant c’est comme si j’avais été élevé dans un monastère de Shaolin Soccer!

 

b7bf4Quel fantastique patrimoine qu’est le mien, hérité de la famille, d’un pays peuplé d’autres footix’s et éducateurs et passionnés et pratiquants… Ce sport a supplanté l’Église Catholique en France, même si sa pratique coïncide historiquement pour ma part à mon assiduité à Dieu…à 15 ans tout cesse ! D’autres sirènes, l’étendue de  la culture et de l’art de vivre s’élargit, de la pratique religieuse et footballistique à la pratique de la communication, des arts et de la culture totale ! Devenir le Johan Cruijff de sa vie !

Surprises !

On termine par ici avec un ex joueur devenu blogueur et un article rock’n roll en lien ICI..!

 

Terminons un cycle, mettons en parallèle trois noms : nous parlions au commencement du 21 juin 1986 et de l’anniversaire à Platini, célébrons Maradona via Manu Chao dont l’anniversaire est un … 21 juin. Car nous aimons chaque ÉQUINOXE sur RMI’z !!!

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La guerre selon Dantec, hommage à l’homme de 1999, déception 2014!

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Il fut une époque, une quinzaine d’année, où Maurice G. Dantec était chercheur lucide, provocateur, mais fondé sur son travail et sa prise de drogues. Hors cette hygiène de vie a laissé des traces irréversibles, et après quelques fulgurances, Dantec est mort en soi, vive Dantec! C’est un hommage à l’homme, le cerveau fou, de 1999 que je souhaite rendre ici, l’année où il s’installa à Montréal et où je le rencontrais à Besançon … Avant ses dérapages pro-atlantistes et anti-arabes. [En 1999, sortait « Babylon Babies » son troisième roman, gaché au cinéma par Mathieu Kassowitz et Vin Diesel avec « Babylon AD » ; j’achetais « La sirène rouge » son premier roman de 1993 avec sa dédicace « Bienvenue sur l’autoroute des ténèbres » adjointe d’une étoile de David.

dantec99

 Cette fois nous y sommes aux ténèbres tant redoutées.]


Rabelais, que pourtant ne nous pouvons tacler dans son héritage, écrit « le rire est le propre de l’homme » en 1574.

« Mieulx est de ris que de larmes escripre,
Pour ce que rire est le propre de l’homme. »

— Rabelais, Gargantua

Maurice G.  Dantec infirme que c’est bien plus « la guerre le propre de l’homme », dans son « Le théâtre des opérations (journal métaphysique et polémique 1999) » [GALLIMARD], passant en revue les conflits de l’année mentionnée, et de l’histoire de l’humanité. Très bon ouvrage, très ambitieux, s’attaquer à l’historique de la guerre dans le monde et prouver que l’homme y touche à son fondement, Dantec n’a cessé de produire des perles de romans de fiction d’anticipation : « Les Racines du mal » (1995 ; Gallimard), « Villa Vortex » (2003 ; Gallimard), « Cosmos Incorporated » (2005 ; Albin Michel), « Grande Jonction » (2006 ; Albin Michel), et le bluffant « Artefact : Machines à écrire 1.0″ (2007 ; Albin Michel)… Malheureusement, il a pris cher dans son crâne en ébullition semble-t-il, mais je me promets de lire les nouveautés si je tombe dessus, malgré sa dernière apparition pitoyable. Faut-il accuser son ex-agent, monsieur David Kersan, de l’avoir traité comme un enfant-esclave tel un footballeur africain en Europe….?????????????????? Moi j’ose ! Quel gâchis !

 

 


EXTRAITS « Le théâtre des opérations »:

Comme les Anglais et les Américains, les Français et les Québécois forment deux peuples séparés par la même langue.

  • Le Théâtre des opérations (1999), Maurice G. Dantec, éd. Gallimard, coll. Folio, 2002, p. 15

Le problème du fascisme : comment faire des génies avec des idiots. Le problème du communisme : comment faire des idiots avec des génies.

  • Le Théâtre des opérations (1999), Maurice G. Dantec, éd. Gallimard, coll. Folio, 2002, p. 30

Ce que je partage peut-être de plus profond avec Houellebecq : comprendre la littérature comme un programme de survie.

  • Le Théâtre des opérations (1999), Maurice G. Dantec, éd. Gallimard, coll. Folio, 2002, p. 49

Une connaissance sans danger est comme une éducation sans douleur. Elle ne vous apprend rien.

  • Le Théâtre des opérations (1999), Maurice G. Dantec, éd. Gallimard, coll. Folio, 2002, p. 55

Une amitié se mesure surtout à celles qu’elle rend superflues.

  • Le Théâtre des opérations (1999), Maurice G. Dantec, éd. Gallimard, coll. Folio, 2002, p. 69

Le style ne doit faire qu’un avec l’idée, comme le sabre avec la main.

  • Le Théâtre des opérations (1999), Maurice G. Dantec, éd. Gallimard, coll. Folio, 2002, p. 76

Il n’existe pas de loi qui soit cool.

  • Le Théâtre des opérations (1999), Maurice G. Dantec, éd. Gallimard, coll. Folio, 2002, p. 128

Les certitudes sont les ennemies de la vérité.

  • Le Théâtre des opérations (1999), Maurice G. Dantec, éd. Gallimard, coll. Folio, 2002, p. 159

L’érotisme, c’est la mort mise en laisse par la vie.

  • Le Théâtre des opérations (1999), Maurice G. Dantec, éd. Gallimard, coll. Folio, 2002, p. 159

La vérité est un couteau à double tranchant, et sans manche.

  • Le Théâtre des opérations (1999), Maurice G. Dantec, éd. Gallimard, coll. Folio, 2002, p. 181

L’architecture, cette musique de l’espace qui commerce avec le temps.

  • Le Théâtre des opérations (1999), Maurice G. Dantec, éd. Gallimard, coll. Folio, 2002, p. 183

Ces « philosophes »… qui ne font trembler personne !

  • Le Théâtre des opérations (1999), Maurice G. Dantec, éd. Gallimard, coll. Folio, 2002, p. 211

Ma version préférée de Singin’ In The Rain : celle d’Orange Mécanique.

  • Le Théâtre des opérations (1999), Maurice G. Dantec, éd. Gallimard, coll. Folio, 2002, p. 213

Le capitalisme est le système d’exploitation dont l’homme est l’ordinateur.

  • Le Théâtre des opérations (1999), Maurice G. Dantec, éd. Gallimard, coll. Folio, 2002, p. 223

Il y a deux manières de combattre la liberté de pensée: sa suppression pure et simple et le droit donné aux abrutis de la recouvrir de leur bavardages.

  • Le Théâtre des opérations (1999), Maurice G. Dantec, éd. Gallimard, coll. Folio, 2002, p. 295

Naître et ne pas être, telle est notre condition.

  • Le Théâtre des opérations (1999), Maurice G. Dantec, éd. Gallimard, coll. Folio, 2002, p. 312

Comme le savait Baudelaire, le génie, c’est l’invention du cliché.

  • Le Théâtre des opérations (1999), Maurice G. Dantec, éd. Gallimard, coll. Folio, 2002, p. 376

2001 et Apocalypse Now : l’Odyssée et l’Illiade de l’Amérique moderne.

  • Le Théâtre des opérations (1999), Maurice G. Dantec, éd. Gallimard, coll. Folio, 2002, p. 379

Que l’on comprenne bien ceci : je ne reconnais presque rien de mes œuvres précédentes.
Mais c’est parce que chaque œuvre s’est efforcée de détruire celle qui l’avait précédée.

  • Le Théâtre des opérations (1999), Maurice G. Dantec, éd. Gallimard, coll. Folio, 2002, p. 425

Il existe deux catégories de bons élèves: les premiers de la classe qui suivent les directives éducationnelles du système, et obtiennent les gratifications en retour. Et les premiers de la classe qui sont au-delà de toute classification, qui ont une, deux, trois, sept classes d’avance, et qui finissent par rejoindre les cancres dans la procédure d’éjection hors du système, à un moment ou à un autre.

  • Le Théâtre des opérations (1999), Maurice G. Dantec, éd. Gallimard, coll. Folio, 2002, p. 437

Ces pédagogues qui affirment que l’instruction des connaissances suffit à faire un homme intelligent, et qui claironnent que l’intelligence suffit à faire un homme cultivé, alors que la plus haute culture ne suffit même pas à faire un homme éveillé !

  • Le Théâtre des opérations (1999), Maurice G. Dantec, éd. Gallimard, coll. Folio, 2002, p. 437

Ces mêmes pédagogues qui prétendent que l’expression de soi est un justificatif suffisant à l’élaboration d’une oeuvre d’art, ou d’un quelconque discours vaguement apparenté comme tel alors qu’une oeuvre d’art n’est un tant soit peu pertinente qu’à la condition de détruire le moi de l’auteur, et si possible celui de ses lecteurs, auditeurs ou spectateurs !

  • Le Théâtre des opérations (1999), Maurice G. Dantec, éd. Gallimard, coll. Folio, 2002, p. 440

Qu’est-ce qu’une authentique liberté ? C’est le moment où une vérité concernant l’état général de votre condition vous éclaire, à tel point qu’une distance critique s’effectue entre vous et le monde d’avant, que vous êtes en mesure de déployer vos ailes et d’acquérir un peu de mobilité, un peu d’autonomie en regard de la foule des combinats sociaux, puis très vite, vous voilà face à la vérité dénudée dans toute sa cruelle lumière: cette liberté s’anime sur un jeu de contraintes supérieures, celles du monde d’après, auquel il vous faudra vous adapter (y compris en luttant de toutes vos forces contre lui).

  • Le Théâtre des opérations (1999), Maurice G. Dantec, éd. Gallimard, coll. Folio, 2002, p. 442

Positivisme, nationalisme, racialisme, socialisme, communisme, anarchisme, toutes ces idéologies hégéliennes (ou para-hégéliennes) de l’État, ou du non-État du progrès et de la technique, ou de l’un ou l’autre de ses nombreux avatars, ont littéralement détruit toute la philosophie occidentale, ont anéanti tout au-delà de l’homme, et donc sa seule identité possible : son devenir, pour le jeter dans l’au-delà de l’État et de la technique […].

  • Le Théâtre des opérations (1999), Maurice G. Dantec, éd. Gallimard, coll. Folio, 2002, p. 489

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Lorsque l’homme se libère de la gravitation terrestre, c’est pour subir les contraintes de l’apesanteur.

  • Le Théâtre des opérations (1999), Maurice G. Dantec, éd. Gallimard, coll. Folio, 2002, p. 442

Écrire, c’est parfois la seule façon possible de garder le silence.

  • Le Théâtre des opérations (1999), Maurice G. Dantec, éd. Gallimard, coll. Folio, 2002, p. 453

Lorsqu’une idée règne, elle se trompe ; lorsqu’elle gouverne, de plus, elle ment.

  • Le Théâtre des opérations (1999), Maurice G. Dantec, éd. Gallimard, coll. Folio, 2002, p. 506


     

 

Le monde est moderne, il change, on ne parle pas de la femme dans ces citations, pourtant la femme est réputée pour prendre le pouvoir dans ce monde qui l’a maltraité par le passé, réputée aussi pour sa recherche de sécurité, mais à cette époque de « castration ( ?) » du mâle, de la masculinisation de la femme, on ne saurait trop dire où « collectivement » nous allons… ?

 

 

Car si l’on jette un œil en arrière, en antiquité, au néolithique ou à l’âge de fer, comme en 14-18, c’est que l’homme aime à se fouttre sur la gueule, toujours, avec son voisin, à l’instar des guerres entre français et anglais au moyen-age… ou encore des conflits entre japonais-coréens, entre chinois-japonais et diverses variantes voisines.

 

Ceci étant posé et écrit, la grande réflexion sur « la guerre ontologique » est proposée par notre reporter Morgan Richard en lien sur notre média.

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La guerre ontologique

 Dans l’idéologie moderne, la guerre, c’est ce qui est là, toujours là, mais dont l’existence est incompréhensible, insupportable. Le pari que l’homme a fait avec lui même a été d’éliminer la guerre, et chaque conflit commencé est une « der des der », le dernier affrontement nécessaire pour que survienne l’aire de la paix éternelle. Mais la guerre ne disparait pas. La guerre reste, et restera, même si tout le reste disparait.

 

 [wpe_video]https://www.youtube.com/watch?v=iYJTI3_Ketk[/wpe_video]

 

Il faut porter la guerre en étendard. La guerre, c’est notre fierté, c’est notre insigne. Comme dit « Mafia K’1fry », cette guerre, c’est ma raison de vivre. Il faut penser la guerre, non pas comme ce qui est à éviter mais comme ce qui, d’une certaine manière, nous détermine. Il faut porter le poids de la guerre ontologique.

 

 

La démocratie n’est pas le meilleur, ou le moins pire des systèmes. La démocratie, et son corolaire, le bio-pouvoir, est une grande machine à pacifier, à éliminer les différences. Le projet de ce système est l’homme sériel, ses armes sont la Norme faite flic et la menace des camps, hôpitaux psychiatriques, prisons, chômage pour tout ceux qui ne se soumettent pas à la série. Ce matin, je suis allé à la banque, et l’on m’a baptisé d’un nombre, « D 023 ». Un nombre, à côté d’autres nombres, telle est la société du contrôle, ployant sous une détermination schizoïde de désirs contrefaits, rêvant de transformer les humains qui la compose en une suite de numéros.

 

Cette société moderne invente le genre humain, l’homme comme essentiellement un. C’est qu’elle a peur, cette société, de la violence révolutionnaire de la multitude, du feu qui jaillit du grand jeu des différences. Mais l’homme est un concept vide, qui décrit, toute au plus une certaine disposition physiologique. Ce qui, au delà des manipulations du contrôle, constitue la réalité nue, ce sont des sommes de différences,  une altérité essentielle à la base de tous . Je est un Autre, et chacun est différent de moi. Chaque individu est une énigme. Plus profondément, comme l’a dit Crowley, chaque homme et chaque femme est une étoile. Ou bien un Dieu, un univers. Et chacune de ces étoiles est déterminée par ses propres penchants, est blessée ou grandie par des choses différentes. Et aucune de ces étoiles ne peut se comprendre comme un atome fermé sur lui-même. L’individu est essentiellement un rapport. Rapport entre des forces qui le fondent. La conscience comme enregistrement a posteriori du jeu de ces rapports de forces, de ces « machines désirantes », comme dirait Deleuze, qui ne sont pas enfermés dans le moi, mais se compromettent irréversiblement avec le monde. Lorsque je tombe amoureux, ce sont certaines de mes forces, de mes machines, qui se connectent avec les machines de l’autre.  La relation est une équation telle que 1+1 égalent 3, la connexion de ce toi tellement Autre avec moi, crée des liens nouveaux tels qu’il existe quelque chose de plus, qui n’était pas là avant notre relation. Ainsi, en me jetant dans le monde, et en échangeant avec les planètes hommes qui le peuple, j’accomplis ce qui est le but de l’existence. Je Deviens, j’augmente ma puissance, j’agrandis cette toile qui est ma vie. C’est l’amitié, ou l’amour. Et l’inimité, la guerre, se conçoit comme un rapport où diminuer les forces de l’autre augmente ma puissance. Tiqquun dit que l’intensité des affects qui ont été mis dans les concept d’amitié et d’inimité montre l’importance sociologique et vitale du jeu de la puissance.

Le fonctionnement normal du social, c’est la constitution de machines de guerres, de planètes humaines qui entrent en orbite parce qu’elles ont les mêmes penchants, et créent système. Ce système, ces machines de guerres, ces tribus guerrières, se heurtent avec d’autres systèmes qui ont des penchants antagonistes, foncièrement autres. Ainsi, la guerre, est une manière pour chacune des deux tribus de s’augmenter. Elle n’est pas un besoin d’éradiquer l’autre.  L’ennemi est aussi nécessaire que  l’ami, parfois plus nécessaire, et le guerrier sait aimer son ennemi, lui être reconnaissant pour la guerre qu’il lui offre.

guerruer

On pourrait dire que le jeu politico-énergétique entre  humains, tel qu’il se déploie dans les entrechoquements cataclysmiques des forces qui nous constituent, crée soit des rapports d’amour, au sein d’une même machine de guerre, d’amitié, dans les rapports avec des systèmes alliés, ou de guerre. Ces trois rapports sont tous les trois nécessaires. Ils constituent les possibilités du conflit. Le conflit, c’est cette intensité des forces qui se mettent en rapport, sans cesse et dans toute les directions. Ce jeu politico-énergétique, accès sur l’augmentation de  la puissance de chaque joueur, est le « devenir sauvage », le chaos dansant qui sans cesse agit le monde, et transforme chaque humain en soleil, un processus érotique tendu vers le plus, sans début ni sans fin. C’est le jeu du « multiple pur », affirmation du sans cesse autre – la vie, telle qu’elle s’incarne dans des forces infiniment différentes, toutes parfaitement belles et redoutables.

Il y a un pan négatif à ce jeu. Nietzsche parlerait d' »énergie négatrice », réactionnaire. Il parlerait  d’une passion hypnotique pour la mort, la volonté de mort, le nihilisme sous toute ses formes.  Ce vouloir d’esclave n’est  tendu non pas vers le devenir éternellement liquide des hanches de la déesse et du vin de Dionysos, mais vers la peur d’être, la haine de tout ce qui est trop , trop brillant, trop puissant, trop lumineux, et la volonté de faire de la vie une petite prison dorée, avec juste assez de lumière qui passe entre les barreaux pour pouvoir haïr le soleil. Et cette volonté de mort, ou de conservation d’une vie atrophiée, est partout triomphante. Elle a mise au bagne tout les joueurs, tranche les talons de tout les danseurs. Le conflit horizontal c’est transformé en pouvoir vertical d’atténuation des rapports de forces, en réseaux tentaculaires de cellules cancéreuses qui mangent chaque parcelle du jeu énergétique sain. Qui dénoyaute les machines de guerres, déconstruit les réseaux de solidarités informels, et instaure à leurs places un fantôme d’égalité, une éthique molle d’esclave humaniste, un océan de fantômes indistincts, sans formes ni vie, en permanence contrôlés et se contrôlant les uns les autres, pour que le djihaad, la guerre ontologique, n’apparaisse jamais. Cracher sur la vie, sur la terrible, violente et belle vie multiple et chaotique, et en faire une espèce de camps de rééducation, projet de pacification à code barre. 

Visuel

 C’est pour cela que la cible du contrôle, son pire ennemi et l’objet de sa propagande télévisuelle, ce sont tout ces groupes qui ont su garder, ou se constituer en machines de guerres – Roms, gangsters des cités, rebelles afghans, squatteurs, punks – … Partout où la solidarité, l’amour et les coups de savates se diffusent à l’horizontal, sans qu’il  n’y est besoin de patron ou de processus bureaucratique pour gouter au sang rouge comme du vin et sentir la chaleur du soleil. Et là où auparavant on rencontrait une sorte d’éthique guerrière, du respect pour l’ennemi qu’il faut conserver comme part du jeu  politico-énergétique, il n’y a plus qu’une froide volonté d’extermination. L’extermination, le génocide, c’est la guerre du contrôle, sa manière de traiter ce qui fait obstacle a son projet de pacification universel.

 

Il faut remplacer la solitude ontologique qui est le propre du contrôle, arrêter d’être cet humain sans qualité, et porter la guerre . Affirmer sa différence, non plus comme cette tare qui nous empêchera à tout jamais d’avoir ce taf tant désiré, mais comme le plus bel hommage fait a la vie, goutte de rosé qui tombe du sexe de la déesse et nous féconde. Partir de cela, remplacer la honte et l’esprit de vengeance par une affirmation solaire, c’est aller nu vers un signe, c est être enfin vrai, Dionysiaque. Affirmer l’événement qui ne manquera pas de venir comme synthèse parfaite de la danse du chaos. Ployer de toute sa puissance vers cet événement, et ainsi, rencontrer des frères ou des sœurs pour s’organiser en réseau de malfaiteurs. Les rencontrer, comme par chance, au détour d’un carrefour, ou d’un bar tard le soir. Car la chance , comme le disait un ami, ce n’est jamais qu’une question de puissance.

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Vous avez dit « Alcoolique »?

« L’alcool décape la petite couche de bonheur peinturluré pour découvrir la patine d’un matériau doux, uni, pâle comme la tristesse. »

Michèle Mailhot

 

 

 

Salut les Mongols, ici Herr Ertzin, votre serviteur qui vient vous parler d’alcool. Et oui, d’alcool, comme quoi sur RMIz, on essaie de parler de tout. Ne tirant aucune gloire d’une consommation déraisonnable, n’essayant pas de nous faire passer pour des vrais hommes parce qu’on boit plein de vin, les gens comme moi se voient souvent questionnés et incompris quant à notre besoin d’état second. En effet, pour le grand nombre, l’alcoolisme, quand il ne rime pas avec succès, c’est un signe de faiblesse, c’est un défaut ou une maladie. N’est pas Renaud, Depardieu, ou Gainsbourg qui veut. La plupart des citoyens considérant l’alcoolisme comme une mauvaise chose parviennent pourtant à admirer ce genre d’alcoolo céleste, comme s’ils étaient frustrés de ne pas pouvoir en faire autant. Mais quand on parle d’un voisin, d’un membre de sa famille ou d’un ami, l’alcoolisme devient nettement moins glorieux.

 

Je ne suis pas du genre à me répandre à volonté,

Je n’ai pas besoin d’être plaint ou d’être encouragé.

Personne ne sait ce qui habite mon cerveau calciné,

Est-ce de la démence, une passade ou une céphalée ?

Et je n’ai  aucun trou dans ma tête pour y regarder,

Mais devant cette feuille, dans cette pièce enfumée,

J’expulse douloureusement mes mauvaises pensées

Un peu comme si j’accouchais d’un enfant mort-né.

Je botte en touche quand quelqu’un se met à réclamer,

Sous couvert de famille, de médecine ou par amitié

Les poussières foudroyant mes méninges encrassées.

C’est trop dur d’expliquer mon envie de me détériorer,

Avec cette impression de boire dans un verre ébréché.

Et quelques fois quand  mes lèvres se mettent à saigner,

Un quidam fait connaissance avec mon plus mauvais coté,

Et me demande ce qui motive ces addictions déprimées.

Mes excuses, je préfère être seul à connaître la vérité

A savoir vraiment tout ce que la vie m’aura confisqué

Et pourquoi j’ai de moins en moins l’envie d’avancer.

Cantonnés dans leur désir respectable, de santé, confort et bonheur, la plupart des gens ne cherchent pas à comprendre pourquoi quand eux prennent leur pied à avaler 3 bornes en courant, nous on débouche une fiole de rouquin, et on la vide. Toujours à nous vanter les mérites de la sobriété, de la confiance en soi et de la recherche de toujours avoir une raison de positiver, ils sont certains d’avoir raison, que tout le monde à droit au bonheur, et que pour avancer, il faut du travail, de l’argent, la santé et une famille. Et nous de leur balancer le fiel de nos vies, le pessimisme qui nous remplit, cette sorte de clairvoyance nimbée de j’m’en foutisme et de réalisme hideux.

La vie c’est de la merde, voilà notre point de vue, mais on entend plus souvent de « tu te plantes! » ou encore de « reprends toi en main! », que de « je peux comprendre » et autres « je sais pas si c’est la bonne solution, mais après tout, t’es grand! ». Non, ils pensent que le bon sens est forcément de leur côté, ils gardent pour toi un minimum de respect, et ne t’accordent plus aucune crédibilité.

Dommage, parce qu’on pourrait jouer un peu, on pourrait avoir la grande gueule qui nous manque bien souvent, taper du poing sur la table, et dire à qui veut l’entendre qu’ils se plantent, eux aussi…surtout eux.

 

 

Quand j’en ai marre de cette permanente sensation de vide
Quand d’autres que moi ne mettent jamais la tête sous l’eau
Quand je les vois jouer des coudes, fiers, ambitieux et avides
Quand je suis ivre mort, gerbant ma loose au fond d’un seau
Quand je me rends compte que je n’ai plus rien dans le bide
Quand j’essaie de me couler, alors qu’il faudrait rester à flots
Quand ils sont sûrs d’être des chevaux sauvages et sans brides
Quand je suis chien, conscient de ce qui entrave mon museau
Quand ils se trompent complètement sur ceux qui les guident
Quand je sais que devant nous, il ne peut y avoir que le chaos
Quand je vois des connasses essayer de lutter contres les rides
Quand ailleurs on en a, des rides, mais parce qu’on a pas d’eau
Quand ils se leurrent, et pensent que ce sont eux qui décident
Quand je me trouve juste à côté d’eux, à l’arrière du troupeau
Quand ils sont heureux de mener une vie prévisible et placide
Quand ils se couchent rêvant de succès, d’espoir, de renouveau
Quand j’égrène la liste exhaustive des raisons de mon suicide
Quand le moment vient où vivre consiste à traîner son fardeau.

 

Un fardeau, les mots sont forts, mais oui, l’existence est un fardeau. Alors plutôt que se voiler la face, on décide d’y aller à fond, la détérioration devient pour nous une sorte de quête dans laquelle ils nous est possible de repousser les limites de nos corps et de notre pensée. Une vie saine trompe la mort, soi-disant, mais vouloir tromper la mort, c’est bâtir sa vie sur un mensonge. La mort est là, en permanence et pernicieuse. Ils peuvent bien manger des fruits et faire du sport, ça n’empêche pas une voiture de quitter la route, ou  un AVC de venir souffler les bougies le jour de leur trente ans. Alors, on remue un peu le merdier, pour voir comment c’est quand on s’y frotte, au néant, au coma, au grand vide…

 

Quand les jours sont trop noirs pour y voir quelque chose

Que le fiel de ma vie se répand sur mon cœur

Je ne pense qu’à me détruire et atteindre l’overdose

Pour aller voir si le temps est plus clément ailleurs.

 

Et je me réveille dans un état déplorable

Avec l’amer regret de ne pas y être resté

J’avais pourtant rêvé de soleil et de sable

Mais au matin, je demeure sur mon canapé.

 

Et je me saoule dans une odeur de cendres froides

En rongeant au sang, ma triste condition d’écorché

Dans mon esprit en lambeau monte doucement la ballade

La chanson mélancolique d’un impuissant et d’un raté.

 

J’ai tout essayé pour peut-être me sentir bien

Et finir par aimer la vie et tout ce qui va avec

Mais quelque chose me retient au fond du bassin

Et mes tentatives de remonter se soldent par un échec.

 

Ainsi je reste coincé dans ma léthargie permanente

Me contentant de petits morceaux de bonheur égarés

Qui n’ont pas réussi à trouver quelque âme accueillante

Et c’est le vent par hasard, qui les dépose à mes pieds.

 

Le bonheur est une notion très relative. Il est différent aux yeux de chacun, quoique bien souvent en lien direct avec un certain confort matériel et financier. Mais pour nous autres, le bonheur n’a pas de définition, c’est juste une idée, qui traîne de-ci de-là, arrive à nous toucher quelques fois, mais bien souvent se retrouve chassée par cette mélancolie implacable. Et certains soirs, c’est vrai, les verres de vin s’imposent comme les arguments d’une mauvaise plaidoirie, dans laquelle on essaierait de défendre nos théories et justifier cette permanente envie de se cramer. L’ivresse, atteindre le moment où le corps dit stop et que le cerveau répond toujours…concentrer le reste de notre énergie pour entretenir une pensée. Ces quelques minutes avant qu’un sommeil d’ivrogne nous gagne, sont comme un grand tri dans nos têtes encrassées. On part pour un certain coma avec ces sacs de nœuds que sont nos vies, et on verra plus clair quand on se réveillera…Mais sommes nous certains de vouloir nous réveiller?

 

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Nordeste, musiques pop, langages : corps, consommation et poésie ! (Par Morgan RICHARD)

De notre envoyé spécial au Brésil, Morgan Richard

Piégé dans une énième soirée, où je me demande, pour la énième fois, qu’est-ce que je peux bien foutre ici… ? Sourires forcés et démonstrations de sensualité stéréotypée, à l’américaine, le tout sous les pulsations d’une musique tapageuse, musique sérielle de la radio, chanson unique du conformisme pop dont la vie ne dure qu’une saison, le temps d’une collection de fringues vulgaires et hors de prix, mais qui en même temps dure depuis toujours, vit de la vie éternelle du spectacle, incarnée par différentes chanteuses cocaïnées qui seront oubliées dans un an, puis remplacées par d’autres, sacrifiées sur l’autel de l’insipidité audiovisuelle.


Dans le bus de retour, trois ou quatre fêtards rentraient aussi chez eux, chantants des chansons populaires coco, musique traditionnelle du Nordeste brésilien ; pour tout instrument, ils avaient leurs mains, qui battaient la cadence et remplaçaient le tremblement des percussions. J’ai été pris d’une intense joie. La musique du peuple, le son de la rue et des gens, celui qui appartient à tous et une musique qui ne demande rien d’autre que de savoir taper des mains. Pas de boites hypes et d’habits chers. Pas de starlettes sur maquillées ni de la lumière bleue d’un écran d’ordinateur, pour enregistrer, quantifier, calibrer, faire que rien ne sature, que tout soit propre et conforme. Seulement un pauvre bus, perdu dans la nuit et le long des routes cabossées de Recife, parmi les rares lampadaires, et puis le rythme des mains, lancinant, et cette fille, rayonnante de la beauté de ce qui est en train de naitre en elle, qui chante de ses pleins poumons ces musiques de toujours.

Et de quoi parle le coco ? Qu’est ce qui se traduit, dans ce langage de frissons contre la peau et de pressions à l’estomac, lorsqu’on troque un bus de vendredi soir brésilien pour les nuits chaudes d’Olinda, les battements des mains pour le bruit fracassant des tambours? Cette musique, d’origine africaine, nous parle de chaînes et des cicatrices inter-générationnelles du fouet, nous parle de douleurs, et aussi d’espoir, du sourire infini du « we shall overcome », nous murmure des échos de révolutions et de poings serrés, mais aussi de lumières, de filles qui se déhanchent et d’amours sauvages et clandestins, dans les veines chaudes du Nordeste brésilien. C’est un aspect du blues universel, de ces chansons populaires des ruelles du monde entier, entre la crasse et l’extase, entre la mort et la lumière. Du noir américain ivre et édenté, au miaulement plein de larmes du violon tzigane de Roumanie, ou les valses de la commune, le feulement de l’accordéon, quelques minutes avant la violence de la répression et le martellement policier que l’on a toujours opposé à l’espoir et aux chansons. Et ces chansonnettes doucement murmurent, par ceux qui se souviennent et qui savent, dans quelques bus du vendredi soir, quelque part sur terre, ces chansonnettes qui réconfortent, font sourire et font pleurer, de ses murmures mélodiques qui chantent demain, et une guerre douce comme un pas de danse en pleine gueule.

Notre manière de consommer de l’art est essentiellement un choix politique. Il s’agit d’aller au naufrage d’une salle de cinéma, à rire d’une blague réactionnaire prononcée par le dernier acteur en vogue à Hollywood, oubliant notre solitude avec une poignée d’autre désespérés, ou de porter un peu de notre amour à la rencontre de l’obscurité, de brandir une petite flamme à la rencontre de l’altérité, avec une sincérité de schizophrène, de celle qui exclut l’artifice snob de l’univers culturel. Pensons au concept d’imédiatisme d’Hakim Bey. L’art périe dès qu’il est médiatisé, et plus le mode de médiatisation est puissant, plus il rend l’œuvre compréhensible uniquement en terme de dollars. L’air de guitare que mon colocataire joue au moment où j’écris est infiniment supérieur à n’importe quel CD, parce qu’il n’est destiné qu’a périr, il est là pour moi, pour les murs nus qui nous entourent, pour le bonheur de celui qui joue. C’est en cela qu’il faut respecter la musique populaire. Non pas en vertu de quelque traditionalisme camouflant une peur du futur. Mais ces airs de Roumanie, joués dans les rues de Montpellier par un rom de 7 ans avec son accordéon de quatre sous, cet air qui représente sa condition miséreuse de gamin livré à la rue et l’espoir d’un repas chaud et la fierté d’un héritage de douleur et d’espoir condensé en quelques notes, héritage qui l’élève des milliers de kilomètres au-dessus de la laideur des faubourgs, cette musique restera à jamais dans mes tripes. Et je la respecte d’autant plus que personne ne l’aime, que les passants qui l’écoutent sont incapables de l’entendre, de percevoir rien d’autre qu’un sale Rom avec un accordéon déglingué.

Il convient de se rappeler ce cri de Terrence Mc Kenna : « Culture is not your friend! ». La culture n’est pas votre amie. La culture est l’outil de propagande le plus puissant utilisé pour le compte de la réalité consensuelle. C’est elle qui vous fait baiser comme dans un film porno, vivre vos amourettes de la manière stupide et conformiste d’une série américaine, avec la peur au ventre de l’amour vrai, celui qui brule comme le soleil.
Dans « la théorie de la jeune fille », Tiquun a montré que le champ du corps, de la sexualité et de la séduction est totalement colonisé par les représentations symboliques d’une certaine culture, culture qui décuple ce que Foucault appelle « le dispositif de sexualité »: une injonction sociale à la pratique du sexe et à la parole sur le sexe, qui créé un objet qu’il prétend exister depuis toujours, la sexualité. Et cette injonction se cache, afin de faire passer sa parole pour celle d’un contre-pouvoir, lorsqu’il s’agit de la voix du bio pouvoir, de son travail de fourmi pour la disciplinisation des corps, jusque dans leurs sexes. Pour détruire la possibilité de l’expérience, de la potentialité d’une énergie révolutionnaire dans nos queues et nos chattes. Et ce que Tiquun  appelle la jeune fille, c’est cette personne, homme ou femme, qui pense déjà comme dans un magazine de Elle.

La culture n’est pas votre amie nous dit Mc Kenna. Il dit aussi que l’endroit où vous êtes actuellement, constitue le lieu le plus parfait pour le déroulement de vos actions, en lien avec vos désirs, vos envies, vos haines, vos amis etc… Le piège du spectacle, celui d’une certaine culture est de vous faire remplacer ce réseau a l’intérieur duquel peut s’inscrire les répercutions complexes que vous pourriez avoir sur le monde, par un univers médiatique ou les modèles deviennent des acteurs et des stars de la pop, les préoccupations d’une identification à des batailles politiques stériles entre deux partis qui font seulement semblant d’avoir une opinion différente du social.

Alors, renoncer a l’art? Dire que l’art n’est qu’un artifice par rapport à la vie? Je crois avec Deleuze que résister, c’est créer, et qu’inversement, créer, c’est résister : ce que toutes ces ‘créations’ vides de sens nous insufflent, c’est le pouvoir de la norme, à travers tant de chansons stupides et de romans à l’eau de rose. Ce sont des instruments du désir de faire comme tout le monde, d’avoir sa vie bien planifiée, et surtout la peur de la part de feu, la peur de l’expérience intérieure, de s’éloigner des rivages du connu, et de boycotter la réalité consensuelle. Et justement, l’art, celui qui compte, est toujours repoussement d’une limite. Peindre pour voir et faire voir plus. Pour déchainer sa puissance à travers tant de nouvelles couleurs. Ou écrire, comme Artaud, pour les analphabètes. Il ne s’agit pas de parler de sa petite vie et de ses petits problèmes. Il s’agit de pousser de toute ses forces contre le mur, et de passer au-delà, loin du triangle père-mère-castration et au sein des machines désirantes, l’art comme schyzo-analyse, comme entrée triomphale dans un monde où il n’est pas souhaitable de se prémunir du délire, où le délire, comme production sans cesse croissante et compromission irréversible avec le monde, est le graal recherché. C’est l’opposition que fait Deleuze entre fantasme individuel, fantasme qui s’identifie avec l’institution et d’élire l’institution comme immortelle, délire du devenir général ou du devenir cadre supérieur ou moyen, ou flic, ou bien même contrôleur de métro, et le fantasme collectif, le délire qui circule entre les foules et se branche sur le caractère périssable des institutions, se branche sur une guerre, une révolution, et le devenir infinie, le délire vertige du devenir, arbre, vent, race et continent.

Blanchot, dans son livre « de Kafka a Kafka », pose un homme malheureux, et qui désire écrire sur son malheur. Il ne suffit pas qu’il écrive « je suis malheureux ». En faisant ainsi, il est encore trop éloigné de lui-même et de son malheur pour que se passe la littérature. Il faut cette transposition étrange et inquiétante du « je » au « il », il faut écrire « il est malheureux » pour que naisse l’art et commence vraiment le malheur. La littérature est le passage libérateur du « je » au « il » : Deleuze de commenter que la ligne de fuite, la marche nomade et essentiellement expérimentale qui serpente entre les lignes tracées par les institutions et le spectacle, et une ligne où le sujet ne peut plus dire « je », où il est essentiellement « un il » qui s’accouple dans une union sacrée avec ce qu’il traverse et qui le traverse. L’art est ce pouvoir qui transforme « je » en un autre. Et ceci est le potentiel réellement révolutionnaire de toute création.

La poésie, à travers l’expérience sensorielle qui la catégorise, régénère l’univers de nos premières fois, et fait se dresser en nous un enfant éternel, seul capable de se laisser pénétrer en un sentiment quasi océanique par la force des éléments. La poésie, comme porte par excellence vers un monde que l’on habite et qui nous habite, comme aiguisage de notre perception et recueillement qui nous permet de ne pas simplement subir.

L’art comme langage est aussi ce qui peuple le monde. La poésie, comme saillie active de l’imagination dans le monde, permet pour Bachelard de prendre ce recul hors de l’agitation pour nous livrer à la contemplation de l’eau qui dort et de l’eau qui jaillit, de la musique du vent et des éclats apaisants et surpuissants des flammes, de la chaleur de la terre. La poésie comme rêverie alchimique qui réalise dans le lecteur l’androgénie primordiale de l’animus et de l’anima, les deux penchants sexués de notre âme selon Jung. Moyen d’habiter le cosmos, de prendre part dans le tableau monde, et que nos yeux deviennent témoins d’autres regards que la poésie nous fait découvrir, yeux de la lumière réfléchie dans la prunelle d’un lac, des feuilles dansantes sous le vent. L’art est une multiplication de l’expérience du Voir.

Mes feuilles ce sont mes yeux, et je regarde émerveillé
De cent mille yeux je te contemple et je contemple Istanbul
Et mes feuilles battent et battent comme cent mille cœurs
Dans le jardin de Gülhane, voilà que je suis un noyer
Nul ne le sait, ni toi, ni même la police.


Je suis tout imprégné de mer et sur ma tête écument les nuées
Dans le jardin de Gulhané, voilà que je suis un noyer
Un vieux noyer tout émondé, le corps couvert de cicatrices
Nul ne le sait, ni toi, ni même la police.

Dans le jardin de Gulhané, voilà que je suis un noyer
Et tout mon feuillage frémit comme au fond de l’eau le poisson
Et comme des mouchoirs de soie, mes feuilles froissent leurs frissons
Arrache-les, ô mon amour, pour essuyer tes pleurs.
Or mes feuilles, ce sont mes mains, j’ai justement cent mille mains
De cent mille mains je te touche et je touche Istanbul
Mes feuilles ce sont mes yeux, et je regarde émerveillé
De cent mille yeux je te contemple et je contemple Istanbul
Et mes feuilles battent et battent comme cent mille coeurs

Dans le jardin de Gulhané, voilà que je suis un noyer
Nul ne le sait, ni toi, ni même la police.

Nazïm Hikmet

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